Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

Aux XIIIes Rencontres Africa à Lyon / Lionel ZINSOU (ex-PM du Bénin) : « L’Afrique est un des continents les plus rentables »

11 juin 2025
Aux XIIIes Rencontres Africa à Lyon / Lionel ZINSOU (ex-PM du Bénin) : « L'Afrique est un des continents les plus rentables »
Lionel ZINSOU, ancien Premier ministre du Bénin. © DR
Les entreprises françaises doivent reprendre confiance et continuer d’investir en Afrique. C’est le message qu’ont passé – de Lionel Zinsou à Etienne Giros – tous les principaux intervenants aux XIIIes Rencontres Africa de Lyon, dont le but clairement affiché était de « mobiliser la communauté économique francophone ». Reportage.

.

Lyon, de notre envoyé spécial Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

.

Surmonter les peurs et les risques dus à la conjoncture économique et à la morosité ambiante qui alourdit le climat des affaires, c’est la démarche volontariste que doivent adopter résolument tous les opérateurs économiques qui ont un projet concret en Afrique. L’heure n’est plus à l’aide au développement, mais aux partenariats gagnant/gagnant.

Économiste réputé, cofondateur de SouthBridge et ancien Premier ministre du Bénin (2015-2016), Lionel Zinsou dit franchement à Lyon ce qu’il pense. Fort de son expérience, il souligne ainsi qu’« en Afrique, en rejetant la France à la fois politiquement et économiquement, on croit s’affranchir de liens qui nous ont affaibli historiquement et – en France – on cultive une espèce de morosité fondamentale sur le thème : Nous sommes rejetés de tous ». Deux idées – pour ne pas dire deux croyances – qui s’avèrent selon lui complètement fausses et qu’il faut arriver à surmonter pour repartir sur de nouvelles bases.

« La géographie des intérêts français déterminants, c’est le Maghreb et toute une série de pays non francophones comme l’Égypte, le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud », fait -il observer en soulignant non sans humour que « les gens qui achètent à la France des porte-hélicoptères amphibies et des Rafale, ce n’est pas le Bénin, même si je le regrette », mais l’Égypte pour des raisons très simples : le PIB de l’Égypte, c’est presque 400 milliards de dollars, et celui du Bénin, c’est à peine 20 Md $ !

Et Lionel Zinsou d’ajouter : « Ne nous y trompons pas ! Les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), que sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui ont eu des relations complexes avec la France ces dix dernières années, ont un PIB à trois sensiblement inférieur à celui de la seule Côte d’Ivoire [83,8 milliards de dollars d’ici à la fin 2025, ndlr] ».

Il profite de son panel aux Rencontres Africa de Lyon pour nous donner un dernier exemple fort instructif : « le Nigeria est un pays avec lequel la France fait – importations et exportations – quelque chose comme entre 8 et 10 milliards d’euros d’échanges commerciaux chaque chaque année. Le Tchad, c’est 180 millions et le Niger – uranium compris – c’est 140 millions ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

.

« Les atouts de la France
pour relever ce défi »

« En réalité, l’Afrique est un des continents les plus rentables, précise-t-il encore, mais soyons clairs : c’est le Continent qui s’autofinance le plus. Ce sont les Africains qui investissent en Afrique et participent à hauteur de 20 % du PIB du Continent alors que les flux directs étrangers ne représentent qu’environ 4 % ». C’est tout à fait exact en Tunisie, au Maroc, au Bénin, etc.

« Rappelons aussi que les flux d’épargne de nos migrants sont supérieurs aux flux d’aide publique au développement qui sont déterminants pour la vie des ménages ». Voilà quelques données économiques qu’il était fort utile de rappeler pour remettre tout en perspectives.

Christophe Eken, qui est à la fois Président de la CPCCAF (Conférence Permanente des Chambres Consulaires Africaines et Francophones) et Président de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat (CCIMA) du Cameroun, se plaît à confirmer tous les atouts de la France pour relever ce défi économique même si – comme il le souligne –, « la France était au XVIIIe siècle la première puissance au monde et n’occupe aujourd’hui que la septième place ».

.

D’importantes délégations
du Bénin et de Centrafrique

Le Centrafricain Gervais Agnan Ato, fondateur de Bangui Hub. © BF/APP

.

DG de l’Agence de Développement des PME du Bénin, après avoir été le patron de l’APIEx (Agence de promotion des Investissements et Exportations), Laurent Gangbes a fait comme à son habitude le déplacement pour vanter les opportunités économiques de son pays.

« La Francophonie se doit d’affirmer notre croyance que la culture et la langue peuvent rapprocher les peuples et les économies, même si parfois les discours ne permettent pas de passer aux actes », observe-t-il d’emblée en se permettant de faire publiquement une remarque qui se veut constructive. Car « cela a été un parcours du combattant pour faire venir ici des PME qui ont pignon sur rue dans nos pays » et « cette contradiction dans les faits est ressenti par les peuples et le tissu économique ». Les choses sont dites car, entre pays amis et chefs d’entreprise, il convient de se parler franchement si l’on veut faire un bout de chemin ensemble.

« Le Bénin s’est engagé depuis 2016 dans une transformation structurelle de son économie, enchaîne-t-il en mettant en lumière ses points forts : premier pays d’Afrique producteur de coton, deuxième producteur de noix de cajou, pays important dans la production de karité, etc. Un petit pays qui occupe somme toute une position stratégique dans la sous-région et qui se veut « une porte d’entrée vers l’Afrique subsaharienne » avec, à son côté, le géant qu’est le Nigeria.

Venu à la tête d’une importante délégation béninoise, il en profite pour faire la promotion de son pays et de la fameuse « Zone économique spéciale de Glo-Djigbé » (GDIZ) (lire ici notre entrevue, parue sur AfricaPresse.Paris le 15 novembre 2023) qui s’étend sur plus de 10 000 hectares. « Dans cette zone, ce que nous recherchons, c’est un transfert de compétences pour donner de l’emploi à nos jeunes, ajoute-t-il, en regrettant cependant qu’à six heures de vol seulement de Paris « aucune entreprise française n’a souhaité s’y installer »... Pour l’instant !

Une autre délégation est également venue en force à Lyon de République Centrafricaine. Sur le stand ouvert par son pays, Gervais Agnan Ato, fondateur de Bangui Hub, explique sa démarche. « Nous avons créé, en partenariat avec l’ambassade de France à Bangui, le premier incubateur pour la jeunesse et la diaspora centrafricaine pour les former à l’entrepreneuriat et ensuite mieux les accompagner dans le monde du business. Avec pour objectif de former 400 jeunes en deux ans. Comme nous sommes un pays francophone, c’est un lien naturel avec la francophonie ».

« Nous sommes dans la production maraîchère, souligne pour sa part Mme Leiticia Boukoro, qui a fondé sa « Ferme intégrée Agri-Vision » il y a déjà cinq ans. Je suis aujourd’hui à la recherche de financements pour acquérir de nouvelles machines agricoles afin d’accroître notre production (actuellement de 20 tonnes de tomates par mois) pour faire face à la demande, et à la recherche de partenaires car il y a ici, en RCA, un véritable marché à prendre ».

Une partie des volontaires de Bangui Hub devant leur stand aux Rencontres Africa de Lyon. © BF/APP

.

« La Chine va y chercher
de nouveaux débouchés »

C’est Étienne Giros, Président du CIAN (Conseil des Investisseurs français en Afrique) qui devait tirer les conclusions de ces Rencontres et, lui aussi, n’y va pas par quatre chemins : « Nous vivons en ce moment un bouleversement géostratégiques très important avec l’arrivée de Trump et de sa bande qui bousculent sérieusement les relations géopolitiques et économiques entre les différents continents et cela concerne bien évidemment l’Afrique », lâche-t-il d’emblée.

Avant de souligner que nous devons faire face désormais à deux phénomènes : 1/ Une impression de retrait des entreprises françaises d’Afrique ; 2/ Un changement d’attitude de l’Afrique qui en train de passer du bilatéralisme, qui était une relation essentiellement tournée vers l’Europe et les anciennes puissances coloniales, à une relation totalement multinationale.

« Je m’inscris en faux contre cette affirmation », souligne-t-il à propos du premier point, en rappelant quelques chiffres de base qu’il nous faut marteler : « Il y a quelques 5 000 entreprises ou entités françaises qui opèrent en Afrique, sur tout le Continent, qui emploient 700 000 Africains en direct, sans parler des sous-traitants, et qui réalisent un chiffre d’affaires de 100 milliards d’euros. Or ce chiffre est supérieur à celui que la France réalise avec les États-Unis ou avec la Chine ». Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

« Comme retrait, on a vu pire... », soupire-t-il car – même s’il est exact que deux banques françaises sont en train de se retirer d’Afrique – « c’est un peu l’arbre qui cache la forêt ». Il nous faut donc contrer les préjugés qui – comme le disait Balzac – sont « l’art des ignorants ».

Sur le second point, Etienne Giros relève l’arrivée en force en Afrique de ce que l’on appelle le « Sud global », des BRICS, des acteurs chinois, turcs ou émiratis et souligne que « si les opérations et menaces douanières de Trump perdurent – ce qui n’est pas encore certain – il y a gros à parier que la Chine cherchera de nouveaux débouchés, notamment en Afrique ». Nous voilà donc prévenus.

« Cette remise en cause de la relation privilégiée avec l’Europe, d’une part, et l’arrivée de nouveaux acteurs, d’autre part, constituent un phénomène qui doit nous interpeller », conclut-il en invitant tous les participants – hommes et femmes d’affaires présents aux Rencontres Africa de Lyon – à « dominer leurs peurs » et à « investir pour aller de l’avant ».

Pour ce faire, il leur propose deux méthodes simples, mais efficaces : « Développer l’atout de la Francophonie », que représente l’avantage d’avoir la même langue pour négocier, conclure et signer un contrat, et « renforcer les partenariats » entre entreprises françaises et européennes d’une part, et sociétés africaines de l’autre. Avec toujours comme impératif de « travailler avec des équipes locales » pour créer sur place de la valeur ajoutée. C’est même le but principal pour que l’Afrique puisse demain prendre progressivement son propre destin en main.

◊ ◊ ◊

Articles récents recommandés