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Aux "Mardis de Marigny" : le « matrimoine » musical méditerranéen, passerelle de traditions et de modernité

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 15 mars 2012 | src.leJMed.fr
Aux "Mardis de Marigny" : le « matrimoine » musical méditerranéen, passerelle de traditions et de modernité
Paris -

Le récent « Mardi de Marigny » du 6 février 2012 était dédié au thème de « La musique en Méditerranée, une histoire de dialogue et de résonances ». Avec pour invités des personnalités reconnues pour l’excellence de leur art, cette rencontre fut une fois de plus une réussite, l’occasion de décrypter certaines interactions entre musiques méditerranéennes. Des interactions inscrites dans le temps long des siècles passés, mais aussi dans la vivante modernité des métissages…

Photo ci-dessus, de gauche à droite sur la photo : Leïla Bounous, ex-chanteuse du groupe « Orange Blossom » et auteure du projet solo « La part du rêve », à paraître fin 2012 ; Rima Tawil, artiste lyrique soprano, auteure de « Orientarias », création lyrique en arabe ; Rachid Brahim-Djelloul, musicien et musicologue spécialiste des musiques méditerranéennes, Directeur artistique de l’ensemble Amedyez ; Sandra Bessis, chanteuse du répertoire séfarade méditerranéen ; Simone Susskind, vice-présidente de « Music Found" ; Samira Ibrahim, journaliste, animatrice de la rencontre. © Alfred Mignot - mars 2012


Une vue de la salle. Au premier plan, au centre, on reconnaît notamment Philippe Castro, Secrétaire général du Conseil culturel de l’UPM. A sa droite, en pull rouge, le célèbre acteur tunisien Fathi Heddaoui, maintenant Directeur du Centre culturel international de Hammamet. © Alfred Mignot - mars 2012

Il faut d’emblée féliciter l’équipe du Conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée qui, sous la conduite de son secrétaire général Philippe Castro, organise depuis maintenant deux ans les « Mardis de Marigny », rendez-vous culturels et artistiques dédiés à la Méditerranée. Le décor dont bénéficient ces rencontres est certes prestigieux – rien de moins que l’Hôtel Marigny, où la République reçoit les chefs d’État étrangers en visite officielle – mais c’est surtout sur le choix des thèmes et des intervenants que la petite équipe – ils ne sont que quatre – livre toute la dimension de sa pertinence dans l’action.

Ainsi, le dernier Mardi de Marigny, du 6 février 2012, était-il dédié au thème de « La musique en Méditerranée, une histoire de dialogue et de résonances », avec pour invités des personnalités reconnues pour l’excellence de leur art – Rima Tawil, artiste lyrique soprano, auteure de « Orientarias », création lyrique en arabe ; Rachid Brahim-Djelloul, musicien et musicologue spécialiste des musiques méditerranéennes, Directeur artistique de l’ensemble Amedyez ; Sandra Bessis, chanteuse du répertoire séfarade méditerranéen ; Leïla Bounous, ex-chanteuse du groupe « Orange Blossom » et auteure du projet solo « La part du rêve » à paraître fin 2012 – ou pour leur engagement, comme Simone Susskind, vice-présidente de « Music Found », fondation qui œuvre en faveur des jeunes musiciens et des écoles de musique dans les zones de conflit.

Langage universel, passerelle par-dessus les frontières, la musique illumine nos vies de ses apparents paradoxes. C’est en France que Sandra Bessis découvrit le répertoire judéo-espagnol de ses lointains ancêtres, témoigne-t-elle. Ou plutôt « le matrimoine », relève-t-elle, car ce sont les femmes qui au fil des siècles ont transmis oralement le répertoire judéo-espagnol »… ainsi que les autres chansons populaires méditerranéennes.

Rima Tawil, cantatrice libano-française de renommée internationale, aura chanté des opéras en une dizaine de langues avant de se dire qu’elle pourrait peut-être aussi le faire en arabe, dans sa langue maternelle, qui ignore la tradition de l’opéra. Ainsi lui fallait-il écrire cet opéra, défi qu’elle a relevé, car elle voulait « lancer un message de paix entre l’orient et l’Occident ». Et l’extrait de cet « Orientarias » diffusé lors de ce Mardi de Marigny, permit de se rendre compte que l’harmonie vocale de la langue arabe s’adapte superbement au bel canto, bien mieux que certaines langues gutturales d’Europe…


L’odyssée multiséculaire de la musique arabo-andalouse

Ce fut un ravissement aussi que d’écouter les interventions de Rachid Brahim-Djelloul, dont l’exquise modestie ne réussit pas à celer la grande érudition. Né à Alger, musicien et musicologue spécialiste des musiques méditerranéennes, Directeur artistique de l’ensemble Amedyez, Rachid Brahim-Djelloul a d’abord reçu une formation classique avant de se lancer à la reconquista de la musique arabo-andalouse.

Il nous en présente le parcours comme une odyssée multiséculaire, depuis les origines syriennes (VIIIe siècle) et sa greffe avec les musiques autochtones ibériques (jusqu’au XVe siècle), suivie par ses fiançailles avec les musiques de l’empire ottoman ((jusqu’au XXe siècle), tout en s’imprégnant de l’influence européenne, à partir du XVIIIe siècle, le siècle des Lumières… Une musique dialectique, pourrait-on dire, dans laquelle s’est joué, au fil des siècles, le rapport entre l’horizontalité orientale (les ornementations musicales) et de la verticalité européenne, avec sa quête d’harmonie.

Étonnante remarque, dont la portée laisse perplexe, que celle émise au détour d’une phrase par Rachid Brahim-Djelloul : au XIXe siècle, les musiciens européens qui écoutaient « avec l’oreille » la musique orientale n’en entendaient pas pour autant toute la finesse, car ils subissaient une sorte d’autocensure de leurs a priori culturels…

Étonnante histoire, aussi, que celle de nos troubadours provençaux et catalans, reconnus pour être en Europe les « inventeurs de l’amour courtois » chanté dès le XIIe et XIIIe siècles, et qui sont en fait les héritiers en droite ligne de cette poésie arabo-andalouse du XIe siècle, nous dit Rachid Brahim-Djelloul, tant pour les thématiques (l’amour, l’être aimé, la magnificence de la nature) que pour l’inspiration musicale et les instruments utilisés, et dont la figure de proue arabo-andalouse fut Muhammad ibn Abd al-Malik ibn Quzman (1078-1160), célèbre poète de Cordoue et l’un des premiers codificateurs du muwashshah, poème à forme fixe.


« Deux bagages, deux cultures qui n’en font qu’une… »

Après l’érudition de Rachid Brahim-Djelloul, Leïla Bounous porte témoignage de l’émotion des cultures musicales métisses d’aujourd’hui… Quatre ans après la séparation du groupe « Orange Blossom » dont elle était la chanteuse, Leïla Bounous, jeune française de parents d’origine algérienne, travaille aujourd’hui sur un nouveau projet solo. Avec toujours son univers magique et profond, teinté d’électro-rock oriental, elle a ciselé de nouvelles mélodies, et de nouveaux textes dans le dialecte algérois, portés par sa voix envoûtante, tantôt grave, tantôt cristalline. Pour mener à bien ce projet intitulé « La Part du rêve », elle s’est entourée de plusieurs musiciens aux instruments d’horizons différents, dont le oud, le violoncelle, la batterie... Après avoir lancé ce projet sur scène à la Barakson de Rezé ou encore au VIP de Saint-Nazaire, « La Part du Rêve » sera dans les bacs pour la fin de l’année 2012.

Elle nous dit : « je continue avec mes deux bagages, mes deux cultures qui n’en font plus qu’une en moi. Le métissage… oui, c’est grandir ici, et dans le même temps avoir accès à d’autres cultures. Moi aussi, j’aimerais beaucoup chanter un jour un opéra en arabe. »

Elle n’est pas musicienne, mais Simone Susskind, vice-Présidente fondatrice de « Music Fund » avait une place tout à fait légitime sur l’estrade des « Mardis de Marigny ». Fille d’immigrants juifs réfugiés en Belgique dans les années 1930, élue en 1991 "femme de l’année" en Belgique pour son action militante pour la paix et pour avoir réussi a rassembler des femmes israéliennes et palestiniennes, elle a contribué en 2005 à la création de « Music Fund », fondation soutenant les jeunes musiciens et les écoles de musique dans les zones de conflit. Cette organisation née du partenariat original entre un ensemble de musique, « Ictus », et une ONG humanitaire, « Oxfam », soutient les jeunes musiciens et les écoles de musique dans les zones de conflit. Music Fund collecte des instruments, les restaure et les envoie dans des écoles de musique, et travaille en particulier en Israël et Palestine, ainsi qu’en Afrique.

Son dernier et récent « succès » : la collecte de sept cent instruments de musique, avec la coopération de la Scala de Milan, et destinés à de jeunes Palestiniens. Son prochain objectif : contribuer à la création d’un orchestre commun, israélo-palestinien, au Conservatoire de Nazareth, plus grande ville arabe d’Israël. « Un orchestre commun, c’est déjà un facteur de paix », dit-elle…


Alfred Mignot

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En savoir plus :

 Site de Simone Susskind

 Site de « Music Fund »

 Site de Sandra Bessis

 Page Facebook de Rima Tawil

 Page Myspace de Leïla Bounous

 Site du Conseil culturel de l’UPM

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