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Aux IIIe Rencontres « Sous le signe d’Ibn Rochd » de Rabat : « La politique, un spectacle de masse ? »

Maroc | 3 mai 2011 | src.LeJMED.fr
Aux IIIe Rencontres « Sous le signe d'Ibn Rochd » de Rabat : « La politique, un spectacle de masse ? »
Rabat -

Dans le cadre des IIIes Rencontres « Sous le signe d’Ibn Rochd » (Rabat, 24 février au 22 avril 2011), qui conviaient les participant à explorer la thématique « Art et Politique », la table ronde du 21 avril 2011 fut dédiée autour à la question de « la politique, un spectacle de masse ? ».
Face au dilemme posé par le spectacle médiatique, qui impose la séduction au risque d’éroder les fondements éthiques de la politique, les participants ont proposé des pistes pour continuer à porter le sens de l’action publique : mettre la conviction au centre des préoccupations du politique, faire le pari de l’éthique du politique et des médias, de la conviction et d’une expression politique sans strass ni paillettes, d’une politique enfin qui se recentrerait sur le sérieux de son action, et cela même au risque de… l’impopularité !

Photo ci-dessus : les intervenants de la table ronde. De gauche à droite : José Maria Ridao, Khalid Hroub, Narjis Reghaye (modératrice), Driss C. Jaydane et Ali Bouabid © Association « Sous le signe d’Ibn Rochd »


L’écrivain et chercheur marocain, Driss C. Jaydane, membre fondateur de l’association Marocains Pluriels, replace cette question dans son contexte historique : « L’idée que le spectacle devienne une sorte de destin politique n’est pas récente : les grands démagogues dans l’histoire ont toujours glorifié leur ami le peuple (...) Chaque fois qu’il y a une crise du politique, il y a une revalorisation du peuple (…) L’invention du marketing il y a de cela 50 ans, à savoir l’idée de fabriquer du discours, du symbolique pour des objectifs économiques, a considérablement modifié nos sociétés : nous sommes passés d’une société d’émission à une société de réception, ce qui change radicalement la manière de faire de la politique, au risque de ne plus en faire vraiment ».

Pour José Maria Ridao, écrivain, éditorialiste, et diplomate espagnol de 1987 à 2000, il est urgent de rétablir des concepts, dont « l’indépendance des médias pour informer avec une position critique, l’engagement des hommes politiques avec un projet et l’importance des institutions démocratiques (...) Avec l’importance que prennent les nouveaux moyens de communication très puissants (images, Internet, réseaux sociaux…), il est important de se convaincre, que nous ne sommes pas dans une année zéro, dans une nouvelle ère.
Une partie de la politique, à savoir la rhétorique, est importante depuis toujours. Elle nous montre comment faire passer des idées, l’importance de la transmission des idées, le but de la politique en somme ».

L’économiste et politicien marocain Ali Bouabid, lors d’une de ses interventions, le 21 avril 2011 à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc, à Rabat © Association « Sous le signe d’Ibn Rochd »

« Je dis souvent que je préfère perdre sur des idées qu’être élu sur celle des autres » affirme Ali Bouabid, économiste et politicien marocain, avant de rappeler la centralité de la figure du citoyen, dans le contexte marocain : « Au Maroc, on ne naît pas citoyen, on le devient. Dans une monarchie, on naît sujet. C’est en s’impliquant dans la vie de son pays, soit dans les domaines politique, culturel ou associatif, que l’on pèse sur les choix et fait évoluer ces choix ».

Le rôle des nouveaux outils de communication, qui se sont avérés si déterminants ces derniers mois dans l’actualité des pays arabes et le vent de liberté qui y souffle, ont aussi été évoqués dans cette table ronde, notamment grâce aux apports du palestinien Khalid Hroub, écrivain et chercheur qui dirige le programme d’étude des médias arabes à l’Université de Cambridge, où il enseigne aussi l’histoire et la politique contemporaine du Moyen-Orient, qui a déclaré :
« L’aire des chaînes satellitaires est terminée : à l’heure de la Guerre du Golfe, les pays arabes ont connu une paralysie, celle qui a correspondu au fait de regarder la télévision. Alors que dans le Printemps arabe, Facebook, Twitter et les téléphones portables permettent d’être dans la rue.
Ces moyens de communication libèrent les personnes en ce sens qu’ils apportent de la mobilité, et donc permettent de sortir de la passivité. »

Le processus démocratique est en marche, estime encore Khalid Hroub, mais « la couche de vécu démocratique est mince, l’opposition dans les pays arabes peu développée et le risque de la politique-spectacle fort (…) Il n’y pas de solution avec un grand S pour sortir de cela, mais le génie de la politique est mis à contribution afin de ne pas être pris dans les filets de la "peopolisation" et du spectacle, et la jeunesse apparaît comme l’un des atouts formidables de ces pays ».

Les mots de la fin justement ont été adressé aux jeunes présents dans la salle, et par extension aux jeunesses du XXIe siècle, par José Maria Ridao : « La jeunesse n’est pas un privilège, mais une responsabilité historique dans le moment que vivent nos sociétés, et notamment en faveur des changements démocratiques en cours. »

Nadia BENDJILALI

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