Au XXVe Forum de Bamako / Mamou TOURE, DIR Iventus Mining : « Le projet Simandou 2040 va tirer toute l’économie de Guinée et en partie du Mali »
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Propos recueillis par notre envoyé spécial à Bamako,
Bruno FANUCCHI, pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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APP – Mamou TOURE, vous êtes panéliste au Forum de Bamako, pouvez-vous présenter en quelques mots ?
Mamou TOURE – Ingénieur des mines de formation et praticien du droit minier depuis toujours, je suis aujourd’hui directeur de la société Iventus Mining, qui est un cabinet d’expertise minière spécialisé dans le conseil en matière d’exploitation minière et pétrolière. C’est à ce titre qu’invité par Abdoullah Coulibaly, le fondateur du Forum de Bamako, j’ai eu l’honneur de participer au troisième panel, consacré aux « Enjeux géostratégiques des ressources minières africaines », du Forum qui vient de se dérouler à l’Hôtel Azalaï de Bamako.
APP – Le XXVe Forum est consacré cette année aux « Enjeux géopolitiques et géostratégiques » de l’Afrique. Les mines représentent-elles un enjeu géostratégique ?
Mamou TOURE – Les mines sont effectivement un enjeu géostratégique pour tout le Continent. Car l’Afrique est un continent qui regorge de beaucoup de substances minérales qui doivent normalement servir à son développement. Pour nous, c’est donc un sujet essentiel pour profiter au mieux de nos ressources naturelles.
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« Depuis Kankou Moussa,
l’or fait rêver tous les Maliens »
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APP – L’or du Mali fait rêver depuis toujours. À vous entendre, il semble cependant que la grande majorité des Maliens ne profitent pas vraiment de cette manne. Car l’État malien ne semble pas être maître de tout...
Mamou TOURE – Depuis l’époque de Kankou Moussa, qui fut le dixième mansa (titre mandingue signifiant le « roi des rois ») de l’Empire du Mali, on parle de l’or et celui-ci fait rêver tous les Maliens. Cette valeur n’est pas nouvelle. Mais les États africains aujourd’hui ne maîtrisent pas vraiment le secteur minier qui est très compliqué et évolue rapidement, car on a besoin d’énergie et on se rend compte que le « tout pétrole » ne fonctionne plus. Il faut donc trouver des alternatives et que les États s’adaptent. Une chose est sûre : au Mali, on aurait peut-être pu mieux faire dans le passé pour gérer de manière plus efficace nos ressources.
Au bout de trente ans d’exploitation, il est grand temps de faire un premier bilan : on ne peut que regretter que l’État soit resté trop passif si longtemps. Je pense que les réformes et changements du cadre institutionnel que l’on constate aujourd’hui au Mali dans ce domaine stratégique sont à saluer parce qu’ils ramènent et améliorent un peu le contrôle au niveau de l’État.

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APP – Ne faut-il pas ouvrir l’exploitation minière – qui est capitale pour le Mali – au secteur privé malien et ne pas tout laisser aux grandes multinationales et compagnies étrangères ?
Mamou TOURE – C’est vrai : la loi sur le « contenu local » a été élaborée dans ce but. Cette loi permet en effet de remettre les acteurs locaux dans le jeu, en leur donnant un peu plus de marge de manœuvre, et de les impliquer davantage dans toute la chaîne de valeur de l’or. Pas forcément posséder les installations eux-mêmes, mais – grâce à la nouvelle loi minière – cela leur donne de la flexibilité.
Une des principales innovations du nouveau Code minier élaboré en 2023 fut de réserver 5 % au secteur privé malien dans la participation des grandes sociétés minières internationales. Ce fut une initiative forte et bienvenue qui permettra au secteur privé de participer davantage à l’exploitation minière. Et c’est une très bonne chose !
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« Simandou 2040 est le plus
grand projet du Continent »
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APP – Quelles sont les autres richesses minières dont bénéficie le Mali ?
Mamou TOURE – Le lithium, notamment. Il y a en effet au Mali deux importants projets d’exploitation du lithium, qui est aussi un minerai stratégique. Une mine de lithium vient précisément de démarrer sa production et sera sans doute la cinquième mine de lithium la plus importante de la planète. Cela va donner à l’économie malienne une diversification des ressources fort appréciable par rapport à la production unique d’or.
C’est formidable car d’autres gisements de lithium seront – je pense – découverts dans les années à venir. Tout cela va permettre à l’État du Mali de diversifier sa production et de ne pas se contenter de l’or. Cela dit, les façons d’exporter le lithium et d’exporter l’or sont totalement différentes en termes notamment de logistique. Le sous-sol malien est, de surcroît, riche de bien d’autres minerais. Et, si la recherche continue, on découvrira encore bien d’autres substances.
APP – C’est, en revanche, en Guinée que se développe un important projet pour toute l’Afrique…
Mamou TOURE – Le projet « Simandou 2040 », que viennent de lancer les autorités de Conakry est incontestablement le plus grand projet minier d’Afrique, et toute l’Afrique de l’Ouest va bien évidemment bénéficier des retombées économiques en termes de développement. Or 2040, c’est déjà demain. Et ce projet a une telle envergure qu’il aura un impact pour toute la sous-région.
C’est en effet un méga-projet – on parle quand même de 20 milliards de dollars ! – qui n’a jamais été conçu et mené à bien sur le Continent. Quand une industrie peut produire plus que ton budget national, elle doit être prise au sérieux car elle peut être cause de guerres...
Ce projet, qui est déjà en phase de construction, va assurément tirer toute l’économie de la Guinée et même probablement une partie de l’économie du Mali. D’autant plus que nos deux États sont liés en matière de relations économiques et commerciales. Beaucoup de choses utiles au projet Simandou, qui ne sont pas produites en Guinée, le seront potentiellement au Mali. C’est donc, pour nous aussi, un projet très important dont nous souhaitons la réussite.
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