Aux XIe JNDA BRIDGE AFRICA de Paris / « It’s the Climate, stupid ! »… ou l’effet domino dévastateur du réchauffement sur la sécurité alimentaire et économique
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par Denis Deschamps
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Après le lancement du Forum par Tarak Cherif, Président de la CONECT Internationale (Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie) ainsi que d’Anima Investment Network, et Pierre de Gaétan Njikam (fondateur des JNDA), une première discussion publique s’est engagée, avec une modération assurée par Léocadie Ebakissé (Talents Awake), entre d’éminentes personnalités africaines et françaises sur les défis du continent, aujourd’hui et demain.
Au premier chef des sujets économiques qui ont été ainsi évoqués, la question climatique a constitué le fil conducteur de ces échanges de haut niveau, tant il est vrai que le dérèglement climatique est devenu un enjeu absolument fondamental pour une Afrique qui est pourtant unanimement reconnue comme « Net Zéro » (zéro émission nette, selon la terminologie des Nations Unies).
L’intervention de Nasser Kamel, Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, a été de ce point de vue déterminante. En tant que premier participant au panel, il a en effet évoqué d’entrée la nécessité de la prévention et de l’adaptation face aux risques majeurs que le changement climatique constitue pour des économies africaines caractérisées par le poids majeur de leur agriculture. Il a ainsi cité des chiffres parfaitement préoccupants, comme la perte de 40 % de la production agricole en raison du réchauffement du climat, entraînant une perte de 15 % du PIB et une migration climatique (avec des réfugiés climatiques qui se retrouvent dans des pays au bord de la Méditerranée), alors que la population africaine continue d’augmenter.
En réponse à ces éléments, Kako Nubkpo, économiste – ancien Commissaire de l’UEMOA, a apporté quelques précisions importantes, comme la nécessité de mettre en œuvre des politiques publiques cohérentes en matière agricole, passant notamment par la promotion des arrangements institutionnels, et également la nécessité d’appuyer la croissance de la productivité agricole pour faire face à l’impact climatique – celui-ci aboutissant, somme toute, à une baisse de 20 % de la productivité du secteur.
Pour le compte de l’Agence française de développement, Christian Yoka (Directeur Afrique de l’AFD) a rappelé que l’urbanisation rapide du continent nécessitait la mise en place d’infrastructures de base en milieu urbain, pour des populations qui sont dans des quartiers précaires de mégalopoles africaines (villes côtières et autres) et donc particulièrement affectés par le changement climatique.
En 2050, il devrait ainsi y avoir plus de cent villes de plus d’un million d’habitants en Afrique, ce qui impose aux responsables publics et privés de considérer la transition démographique dans le cadre d’une dynamique urbaine. Christian Yoka a par ailleurs mentionné les différents programmes de l’AFD comme Diasdev et Meetafrica pour soutenir le développement africain au travers de ses diasporas, thème général du Forum.
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La nécessité de gains
de croissance décarbonée
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Sur la base de son expérience politique et de son expertise économique et financière, Lionel Zinsou a, pour sa part, souligné que, représentant 25 % du PIB africain, le secteur agricole restait à ce jour le moteur de la sécurité économique et alimentaire du continent.
Par conséquent, toute baisse de productivité (20 % en moins, comme évoqué avant lui) consécutive au climat avait nécessairement un grand impact sur une population dont le nombre a considérablement augmenté depuis les années 1960 (de 400 millions à 1,4 milliard aujourd’hui) et dont l’espérance de vie est aujourd’hui beaucoup plus grande qu’avant.
Au-delà d’une sortie de la pauvreté qui paraît assurée, il s’agit donc maintenant d’œuvrer pour développer les ressources, grâce à une productivité renforcée entraînant des gains de croissance. Aussi, ce développement doit pouvoir se faire dans une logique décarbonée et d’utilisation d’énergies renouvelables, moyennant des investissements à impact dans des projets productifs et la transition numérique, pour pouvoir maintenir le continent dans sa trajectoire positive. À cet égard, Lionel Zinsou a précisé que l’implication de l’Europe dans le développement africain était tout à fait indispensable pour que le continent reste « Net Zéro » – grâce plus particulièrement à l’énorme capacité d’absorption du carbone par ses forêts, en particulier celles du bassin du Congo.
Dans le prolongement du panel, une table-ronde sur la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) réunissait différents acteurs privés comme Orange (Elisabeth Tchoungui), Fresh Africa (Katia Kuseke), Natural Grass Africa (Farid Boussaad), Jacques-Olivier Pesme (Fonds Pierre Castel), Dclimate (Chamss Ould) qui ont échangé avec Pierre-Samuel Guedj (Africa Mutandi) sur les stratégies de responsabilité sociétale mises en œuvre sur le continent pour pouvoir en faire un véritable leader dans ce domaine.
Pour autant, le Président de la confédération des entreprises du Sénégal, Adama Lam, a précisé qu’il fallait considérer cela en Afrique plutôt comme une « responsabilité sociétale intéressée », autrement dit axée sur la production fondée sur l’exploitation des ressources naturelles du continent, pour pouvoir assurer l’emploi de ses populations, mais de manière « verte ». Autrement dit, la lutte contre le dérèglement climatique reste encore un combat…
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