Au Forum de Bamako / Souleymane CISSÉ (Carrosse d’Or à Cannes) : « La culture donne un sens à notre combat et à notre existence »
.
Propos recueillis par notre envoyé spécial à Bamako (Mali),
Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse
.
AfricaPresse.Paris (APP) – C’est votre première participation au Forum de Bamako ?
Souleymane CISSÉ – C’est la première fois que l’on m’a invité, mais il est vrai que lors des éditions précédentes j’étais souvent en tournage et parfois même à l’étranger. L’an dernier, j’étais même au Festival de Cannes où – comme vous le savez – j’ai eu l’honneur de recevoir le « Carrosse d’Or » pour l’ensemble de mon œuvre cinématographique. Mais, cette année, ma fille Mariam a tenu à ce que je sois là car le thème de ce Forum concerne la culture.
Ma présence a même été saluée lors de la cérémonie d’ouverture et j’en suis très reconnaissant aux organisateurs de ce Forum qu’il faut ardemment soutenir car la culture est un domaine hélas trop souvent mal compris et délaissé dans notre société. C’est pourquoi j’étais fasciné par tous ces débats pendant trois jours et j’espère bien que ces discussions et résolutions seront suivies d’effet, c’est le plus important.
APP – Pensez-vous réellement que la culture puisse faire bouger les choses au Mali, votre pays qui vit actuellement des moments difficiles et une Transition qui n’en finit pas ?
Souleymane CISSÉ - C’est mon intime conviction. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi comme métier le cinéma. Le thème de cette XXIVe édition du Forum fut particulièrement bien choisi : « Culture, Réconciliation, Paix et Développement ». Car je pense que la culture donne un sens à notre combat et à notre existence. Si nous y croyons vraiment, les choses peuvent aller mieux. Chez nous, la culture a toujours eu un rôle important dans l’histoire et peut avoir aujourd’hui aussi un rôle très important, surtout dans la situation actuelle du Mali.
APP – La culture ne peut-elle pas avoir aussi un poids économique fort bénéfique ?
Souleymane CISSÉ - L’industrie culturelle – excusez-moi du terme – est « mal tombée » au Mali. Je prends pour exemple le cas de l’industrie cinématographique que je connais bien, cette notion n’existe pas jusqu’à présent dans notre pays et c’est vraiment dommage. Nous avons certes des ministères et des services, mais la politique culturelle, cinématographique et industrielle n’existe pas au Mali. Ce fut pourtant le combat de toute ma vie.
Je me suis battu pour qu’on puisse le comprendre et engager notre pays dans cette voie, car je sais qu’on peut le faire. Puisque d’autres pays africains ont bien réussi à le faire comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria ou le Kenya. J’ai visité tous ces pays et je vois comment l’industrie cinématographique est en train d’avancer et participe au développement économique. Mais je pense qu’ici les cinéastes sont malheureusement très mal compri
.
« Je crois en l’avenir du Mali. Son histoire
est intimement liée à celle de notre famille »
« Je crois en l’avenir du Mali. Son histoire
est intimement liée à celle de notre famille »
.
APP – Cela ne vous a pas empêché d’être distingué et récompensé l’an dernier lors de la 76e édition du Festival de Cannes…
.
Souleymane CISSÉ – Ce fut un moment fort et une très belle reconnaissance qui m’est allée droit au cœur. Ce « Carrosse d’Or », qui m’a été décerné en mai 2023 au Festival de Cannes pour l’ensemble de mon œuvre, de 1972 à 2023, a révélé des choses que, peut-être, je me cachais à moi-même.
Je crois que ceux qui ont pris cette initiative ont eu raison car ce fut pour moi une consécration, même si durant toute cette période je n’ai fait qu’une douzaine de films, faute de moyens. Je parle exclusivement des longs métrages, bien sûr, car je ne compte pas les documentaires...
Dès mon retour de Cannes, il y a un an, j’ai présenté ce « Carrosse d’Or », dont je suis très fier, au Président Abdoullah Coulibaly. Il avait eu ces mots m’ayant beaucoup touché : « Reçu par un digne Fils du Mali, ce Carrosse d’Or honore tout le cinéma du Continent ».
APP – Au delà de la vie quotidienne, aujourd’hui bien difficile pour tous à Bamako en raison des incessantes coupures d’électricité, qu’est-ce qui vous semble prioritaire ici ?
Souleymane CISSE – Je crois que le Mali avancera, quoiqu’on en dise. Cela a toujours été mon rêve. Quels que soient les obstacles, je crois en l’avenir du Mali. C’est dans ma lignée, dans mon sang, car l’histoire du Mali est intimement liée à notre histoire familiale, l’histoire des Cissé. Je me dis que, tôt ou tard, ce pays – héritier de l’Empire mandingue – aura son mot à dire sur la scène internationale. Et ce moment viendra quand les Maliens eux-mêmes comprendront qu’ils ont un rôle à jouer non seulement en Afrique mais dans le monde.
Nos autorités devraient s’intéresser davantage à la culture, tant il est vrai que les industries créatives dans toute leur diversité – non seulement le cinéma, mais la mode, la peinture, les arts plastiques, la maroquinerie, etc. – comme l’artisanat, peuvent être une source importante d’emplois et de revenus pour des milliers de jeunes qui ne manquent pas de talent ni d’esprit d’initiative, mais demeurent encore bien souvent à la recherche d’un travail donnant un sens à leur vie.
.
◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊
.