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Au Forum de Bamako / L’ancien ministre burkinabè Salimata NEBIE-CONOMBO : « La culture reste un domaine de souveraineté nationale... Il faut y investir massivement »

1er juin 2024
Au Forum de Bamako / L'ancien ministre burkinabè Salimata NEBIE-CONOMBO : « La culture reste un domaine de souveraineté nationale... Il faut y investir massivement »
L’ancienne ministre burkinabé Salimata NEBIE-CONOMBO, panéliste du XXIVe Forum de Bamako, en mai 2024. © Photo BF
Vice-Présidente du Centre Prosperen – Cercle de réflexion Prospective et Renaissance –, Mme Salimata NEBIE-CONOMBO, ex-ministre burkinabé du Genre et de la Famille, était panéliste du XXIVe Forum de Bamako. Avec toujours de solides convictions et des idées novatrices. Entretien.

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Propos recueillis par notre envoyé spécial à Bamako (Mali),
Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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AfricaPresse.paris (APP) – Quelles sont aujourd’hui vos nouvelles fonctions ?

Salimata NEBIE-CONOMBO - Ministre burkinabè du Genre et de la Famille pendant six mois dans le gouvernement de Transition qu’a connu le Burkina-Faso en 2022 sous la présidence du Colonel Paul-Henri SANDAOGO DAMIBA, je peux vous garantir qu’il y a une vie avant d’être ministre et surtout une vie après.
J’en suis un exemple vivant. Je venais de la société civile et j’y suis retournée aussitôt pour continuer à œuvrer à la défense des valeurs qui me sont chères et de la souveraineté bien comprise de mon pays.
Aujourd’hui, je suis consultante internationale et j’interviens par exemple à l’École du maintien de la Paix de Bamako (Mali), où je donne des cours régulièrement. Mais, professionnellement, je suis souvent aussi à Dakar (Sénégal) ou à Nouakchott (Mauritanie).

APP – N’êtes-vous pas aussi à la tête d’un important Think tank d’Afrique de l’Ouest ?

Salimata NEBIE-CONOMBO - C’est exact. Je suis en effet Vice-Présidente du Cercle de réflexion Prospective et Renaissance – fondé par le Professeur Albert OUEDRAOGO, lui-même ancien Premier ministre – qui constitue un cadre de propositions et d’influence...
Nous faisons des analyses sur les enjeux nationaux, régionaux et internationaux pour les acteurs de le vie publique comme les gouvernants, mais aussi des acteurs non-étatiques et même de simples citoyens qui s’intéressent à la vie de leur pays et à la marche du monde.

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« Les femmes et les jeunes constituent
plus de 80 % des personnes déplacées »

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APP – Vous étiez panéliste au Forum de Bamako pour traiter d’un sujet particulièrement difficile sur « le rôle des cultures dans les conflits communautaires et face à l’extrémisme violent ». Quelle fut votre contribution ?

Salimata NEBIE-CONOMBO – La thématique a été abordée sous tous les angles. Moi, j’ai personnellement traité ce sujet ainsi : comment la culture – tout étant un levier de Paix et de Réconciliation – est aussi un incubateur des germes qui secouent notre sous-région du Sahel.

Car il nous fallait regarder sans complaisance les aspects forts de nos cultures – je dis bien nos cultures – dans nos différents pays, où vous pouvez rencontrer des dizaines d’ethnies qui toutes représentent une culture spécifique.
Sans occulter pour autant que, dans ces cultures, il y a parfois des pratiques et des règles qui ne sont plus adaptées ou ne répondent plus aux attentes et aux besoins légitimes de liberté et d’action chez les jeunes comme chez les femmes. On a indexé ces différents problèmes et on n’a pas hésité à les faire ressortir car toute culture – aussi respectable soit-elle – a ses travers.

APP – Votre regard est d’autant plus intéressant que vous venez d’un pays – le Burkina Faso – qui traverse une grave crise. Sans faire à proprement parler de politique, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Salimata NEBIE-CONOMBO – C’est vrai, j’ai été ministre de la Transition en 2022 et la consigne que j’ai donnée au sein de ce gouvernement, c’était d’amplifier et de donner plus d’importance à la participation des femmes et des jeunes dans le processus de paix et de sécurité. Car, comme vous le savez, les conflits armés touchent d’abord les femmes et les jeunes qui constituent plus de 80 % des personnes déplacées. Cela a donc un impact considérable sur l’environnement social et culturel et encore plus sur l’environnement économique.

Pour impliquer davantage les femmes et les jeunes, on se fondait sur deux résolutions des Nations unies qui engagent le Burkina : la fameuse résolution 1325 pour les femmes et la résolution 2250 pour les jeunes qui engagent tous les États membres à les faire participer dans la prévention, dans la protection et aussi dans la réhabilitation... Car ces crises ont de graves conséquences sur les gens et il faut les régler de façon inclusive et que personne ne reste en arrière. Ils ont donc toute leur place dans le processus devant nous conduire vers la Paix.

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« Le secteur culturel pourrait
rapporter gros en temps de paix »

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Mme Salimata NEBIE-CONOMBO, entourée du Professeur Alioune SALL, de Bruno FANUCCHI et du Président Abdoullah COULIBALY à l’issue de la cérémonie d’ouverture du XXIVe Forum de Bamako 2024. © Photo DR

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APP – La culture et les industries créatives ne sont-elles pas aussi un extraordinaire moyen de développement économique ?

Salimata NEBIE-CONOMBO – C’est vrai. Une récente étude du PNUD révèle que la culture participe pour 17 % au PIB de nos pays. C’est un secteur qui emploie beaucoup de gens, que ce soit dans l’informel ou dans le formel, et a réussi à développer depuis une trentaine d’années de réelles compétences dans la musique, le cinéma, la littérature ou l’édition... On peut dire que les Africains se sont appropriés tous ces aspects de la culture et cela rapporte aussi – grâce au tourisme adossé à la culture – beaucoup d’argent dans les villes. Pour attirer les étrangers, ce secteur emploie beaucoup de jeunes et de femmes.

Mais ce secteur de la culture n’est pas financé par les États et cela affaiblit le force que la culture devrait avoir. Car c’est un secteur qui pourrait rapporter gros en temps de paix.
Prenez un pays comme le Nigeria, par exemple, il est autosuffisant sur le plan culturel, avec notamment une puissante industrie cinématographique et beaucoup d’autres atouts. C’est vraiment un pays qui a émergé grâce à sa culture et qui a un impact sur le reste du monde à l’image de la musique nigériane.

APP – Quelles conséquences cette crise a-t-elle sur l’économie de votre pays, le Burkina ?

Salimata NEBIE-CONOMBO – Tout cela nous interroge en effet : comment préserver notre patrimoine culturel pour qu’après la période de conflit que nous connaissons actuellement au Burkina, nous puissions faire prospérer aussi ces domaines qui rapportent énormément d’argent à nos pays en temps de paix ?

Chez nous, le tourisme n’est plus comme avant et les artistes ne peuvent plus travailler, car ils ont été déplacés de leurs localités et deviennent pratiquement des personnes sans emploi alors qu’en temps normal ce sont des personnes qui peuvent s’en sortir juste en produisant des œuvres culturelles.

APP – On ne saurait parler du Burkina et de culture sans parler du FESPACO (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou) créé en 1969. Que pensez-vous de l’idée originale, émise à ce Forum, par l’ex-ministre sénégalais de la Culture suggérant que tous les pays voisins contribuent au financement de ce rendez-vous culturel important pour assurer sa survie ?

Salimata NEBIE-CONOMBO – Je dirai que c’est une idée pertinente. Le FESPACO est – il est vrai – labellisé burkinabè, c’est la marque déposée du Burkina et l’héritage que notre pays va laisser un jour au monde. Mais le FESPACO n’est pas uniquement burkinabè car il a déjà de nombreux pays partenaires, y compris des pays du Sud comme du Nord.

Il y a plus de cinquante ans, des Africains se sont assis pour dire qu’il faut promouvoir le cinéma africain et la production cinématographique africaine. Mais les organisations qui comptent beaucoup sur les subventions et aides extérieures s’essoufflent très très vite.

L’idée est donc pertinente : si tous les pays pouvaient contribuer au budget du FESPACO qui est vraiment colossal, cela permettrait d’accompagner l’engouement qui, d’année en année, progresse encore pour ce Festival. Cela permettrait aussi de soutenir la production des cinéastes africains car – quoiqu’on dise – la culture reste un domaine de souveraineté nationale. Si vous êtes indépendant sur le plan culturel, vous pouvez en imposer au monde.

Or l’Afrique est déficitaire dans ses relations culturelles avec le reste du monde. Il faut donc accorder davantage de considération à la culture, car la culture est à la portée de tous, des citoyens comme des États. C’est pourquoi il faut investir massivement dans la culture.

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