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#AmbitionAfrica - Mossadeck BALLY, PDG du Groupe Azalaï : « Arrêtons ces usines à chômeurs que sont nos Universités africaines... »

8 octobre 2021
#AmbitionAfrica - Mossadeck BALLY, PDG du Groupe Azalaï : « Arrêtons ces usines à chômeurs que sont nos Universités africaines... »
Comment créer des millions d’emplois chaque année pour absorber la formidable poussée démographique à laquelle est confrontée l’Afrique ? Participant à #AmbitionAfrica, à Paris-Bercy, le fondateur du groupe hôtelier panafricain tient un langage de vérité qui décoiffe ! Voilà les recettes d’un entrepreneur malien qui a réussi.

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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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APP – N’êtes-vous pas désormais un habitué de #AmbitionAfrica, le grand événement d’affaires annuel entre l’Afrique et la France ?

Mossadeck BALLY – J’y suis venu régulièrement depuis le début, en octobre 2018 et y suis toujours intervenu. C’est une bonne plate-forme de réseautage. On écoute, on y trouve de nouvelles idées et il y a des choses qui se concrétisent. C’est une bonne chose d’avoir organisé cette troisième édition #AmbitionAfrica en présentiel car, après presque deux ans de restrictions et de confinement, cela fait très plaisir de retrouver un contact humain, chaleureux et direct.

Rester confinés dans des bureaux ou des maisons devant un écran cela, à un moment, devient insupportable. Assez de « room zoom » ! Les gens s’en rendent bien compte et ont envie de voyager, comme moi qui suis très heureux de sortir du Mali et de revenir à Paris.
Je pense, de surcroît, qu’il faut dépoussiérer la relation entre la France et le continent africain, et surtout entre la France et ses anciennes colonies africaines. Il convient maintenant de mettre l’accent sur la création d’emplois, car le premier souci de l’Afrique, c’est cela : comment créer vingt à trente millions d’emplois chaque année pour absorber cette formidable poussée démographique ?

APP – Comment vaincre le chômage et notamment le chômage des jeunes en Afrique ?

Mossadeck BALLY – Je viens de le dire à la tribune de #AmbitionAfrica : « Arrêtons ces usines à chômeurs que sont, chez nous, les Universités ». On a bien entendu quand même besoin de former des cadres avec Bac + 4 ou + 5. On ne va donc pas les fermer, bien sûr, mais du moins les réduire considérablement et rendre la sélection beaucoup plus rigoureuse. Cette sélection doit démarrer depuis le primaire.

Moi, je suis un adepte du système suisse où, dans les six années de primaire, on fait une sélection : ceux qui sont aptes à continuer continuent, et ceux qui sont moins aptes aux études, mais aptes aux métiers, on les oriente vers les métiers. On fait de même après les trois ans de collège et cela également au lycée et ainsi de suite.

Je suis un entrepreneur malien, mais les responsables de l’Université de Bamako ne sont jamais venus me voir car il y a une inadéquation totale entre la formation des jeunes et les demandes du marché.
C’est mentir aux jeunes Africains que de leur dire : « 90 % d’entre vous vont avoir le bac et entrer à l’Université, vous serez fiers d’avoir une licence, une maîtrise ou un doctorat ». Mais finalement, en réalité, beaucoup vont devenir chômeurs !

APP – Voire des chômeurs professionnels...

Mossadeck BALLY – C’est parfaitement exact. Avec tous ces programmes de « jeunes chômeurs diplômés » que les États mettent en place, on dépense des milliards pour des résultats pas évidents. C’est un peu le tonneau des Danaïdes. C’est un peu une bête qui vit sur elle-même. Cela devient même du business que d’aider ces chômeurs diplômés.

Je préfère que l’on réoriente ces fonds sur de la sélection et de la formation technique et professionnelle, sur la formation par alternance, qu’on forme les jeunes à l’esprit entrepreneurial, qu’on développe leur leadership et leurs qualités managériales. Car c’est ainsi que l’on va créer des entreprises et donc créer des emplois. Et cela, les pays anglo-saxons le font assez bien. Pour notre groupe Azalaï, nous avons été obligés de créer nous-mêmes nos propres écoles de formation.

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« Revaloriser tous les métiers et donner la priorité
à la formation technique et professionnelle »

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APP – Ne serait-il pas nécessaire de revaloriser le travail manuel ?

Mossadeck BALLY – Absolument, il faut revaloriser les métiers et tous les métiers car il n’y a pas de petits ou de sots métiers. Quand je vois dans les mines du Mali encore des ouvriers qualifiés qui viennent des Philippines ou d’Amérique latine, c’est incroyable ! Alors que l’on a des jeunes Maliens qui ne font rien et passent toute la journée à boire du thé. Ou qui, maintenant, sont parfois malheureusement enrôlés par les groupes terroristes qui leur donnent quelques billets d’euros et les forment. C’est cela qui fait aujourd’hui le malheur du Mali.

Un jeune qui n’a pas de perspectives, est tenté par ça. Soit il part dans l’émigration et il a toutes les chances de mourir en Libye ou en Méditerranée, soit il est enrôlé par les groupes terroristes. Mais si on donne une formation de base à tous ces jeunes désœuvrés, ils peuvent trouver un emploi décent, gagner honnêtement leur vie et rester chez eux.
Le paradoxe, c’est que deux grands centres de formation professionnelle ont été construits au Mali, par la Chine et le Maroc, et qu’ils sont toujours fermés depuis deux ans !

Mossadeck BALLY durant son intervention à #AmbitionAfrica (Paris-Bercy, 5-6 octobre 2021) © BF

APP - Si vous étiez ministre de l’Éducation, quelle serait votre première mesure ?

Mossadeck BALLY – Si j’étais ministre de l’Éducation d’un pays africain, quel qu’il soit d’ailleurs, je mettrais 90 % du budget de mon département dans la formation technique et professionnelle.
C’est la clé pour sortir nos pays de leur sous-développement extrême. Car il faut une adéquation entre la formation donnée à nos jeunes et les emplois que nos entreprises créent. Dans la plupart de nos pays, nous avons des économies basiques et nous ne sommes pas encore arrivés à l’économie du service, comme les pays développés.

Nos économies sont basées sur l’agriculture, l’élevage, l’extraction. Il faut donc former les jeunes à ces métiers là pour que, demain, lorsque l’exploitation du pétrole ou du gaz va commencer au Sénégal ou en Mauritanie, que ces entreprises n’aient pas à importer des ouvriers qualifiés du bout du monde sur les plate-formes. Formons déjà les jeunes Sénégalais, les jeunes Mauritaniens, à tous ces métiers pour qu’ils occupent les emplois que vont créer les compagnies d’exploitation de ces gisements là.

Ainsi, nos économies vont petit à petit se développer et on arrivera à un stade où l’on basculera vers l’économie du service, l’économie du savoir. À ce moment-là, on réorienterait les budgets vers des formations universitaires.

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« Les talents de la diaspora doivent
rentrer massivement en Afrique »

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APP - Vous participiez à #AmbitinAfrica à une table-ronde sur le thème : « Quelle stratégie pour le développement des talents africains ? » Pouvez-vous développer votre intervention ?

Mossadeck BALLY – Des talents en Afrique, il y en a beaucoup et il y en a toujours eu. C’est peut-être maintenant qu’on les découvre, mais l’Afrique a toujours regorgé de talents. Je signale que l’Afrique est la « mère de l’Humanité ». Sans ces talents, on aurait pas eu tous ces grands empires : l’empire du Ghana, l’empire du Mali, l’empire songhai…

Je me réjouis de voir que maintenant, tout le monde est unanime là-dessus, y compris les grandes multinationales qui investissent en Afrique et qui, il y a 10 ou 20 ans, importaient des talents d’autres continents pour pourvoir tous les postes de responsabilité occupés par des expatriés.

Je me réjouis de voir que de plus en plus des cadres africains occupent ces postes-là. J’en veux pour exemple le CEO d’Orange Afrique/Moyen-Orient, qui est un Sénégalais, et ma propre nièce la jeune et talentueuse Néné Maïga, Malienne qui a fait HEC et se retrouve désormais CEO d’Orange Botswana.

On le voit aussi avec d’autres groupes comme la Société Générale par exemple, qui a fait entrer un Camerounais dans son comex. C’est très bien, je me réjouis de cette tendance.
Maintenant, il faut accompagner ces talents dans leur formation et faire confiance aux talents africains pour leur donner des responsabilités, même s’ils sont très jeunes.

La diaspora a un rôle important à jouer. Complètement décomplexés, ces jeunes talents de la diaspora qui ont un autre vécu et une bonne formation peuvent et doivent rentrer massivement en Afrique, pour occuper ces postes créés aux pays. Cette diaspora peut énormément apporter en termes d’éclosion des talents parce ses membres vont tirer vers le haut les talents restés sur le Continent.

APP – Durement touché par les conséquences économiques de la crise sanitaire comme toute l’industrie hôtelière, le groupe Azalaï que vous dirigez arrive-t-il à remonter la pente ? Peut-on parler de reprise ?

Mossadeck BALLY – On ne pas dire que l’on soit sorti de la crise, pas encore, mais l’on voit enfin une petite lueur et un rayon de soleil au bout du tunnel. On sent que les choses bougent dans le bon sens : nos taux d’occupation remontent petit à petit et certains marchés sont plus dynamiques que d’autres. Disons que l’on est de plus en plus confiant, que le plus dur est derrière nous et que les choses vont s’améliorer...

APP – Où en sont précisément vos projets d’ouverture de nouveaux hôtels ?

Mossadeck BALLY – En 2022, nous allons ouvrir deux hôtels et mettre 430 chambres sur le marché hôtelier ouest-africain : 230 chambres à Ouagadougou avec la réouverture en mars prochain de l’Azalaï Hôtel, qui fut malheureusement saccagé lors des événements d’octobre 2014 au Burkina Faso. Complètement rénové, cet hôtel va même accroître sa capacité en passant de 176 à 230 chambres. Et nous allons ouvrir vers le mois de juin 2022 Azalaï Hôtel Dakar sur la Corniche Ouest de la capitale sénégalaise, avec 200 chambres.

APP – À Dakar, où la concurrence hôtelière est pourtant rude ?

Mossadeck BALLY – La concurrence est rude, mais le Sénégal est un pays très stable qui attire de plus en plus d’investisseurs et où l’exploitation du gaz et du pétrole qui va démarrer bientôt va encore en attirer d’autres, dont beaucoup de voyageurs d’affaires, et nous sommes donc très confiants.

……

En savoir plus :
www.azalaihotels.com

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