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LE DOSSIER DU 1er FORUM AMBITION AFRICA (Paris-Bercy, 22-23 octobre)

Amadou Kone, ministre ivoirien des Transports :
« Il faut que les entreprises françaises prennent beaucoup plus de risques ! »

28 octobre 2018
Amadou Kone, ministre ivoirien des Transports : « Il faut que les entreprises françaises prennent beaucoup plus de risques ! »
Ministre des Transports de Côte d’Ivoire depuis juillet 2017, Amadou Kone a profité de sa venue à Paris-Bercy, où il participait au Ier forum Ambition Africa, pour faire le point sur tous les chantiers en cours à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Et pour inviter les chefs d’entreprise français qui s’intéressent à la Côte d’Ivoire à être moins frileux… et moins gourmands ! Entretien exclusif.

Propos recueillis par Bruno FANUCCHI
Africapresse.Paris (AP.P) @PresseAfrica

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Quel message êtes-vous venu porter à ce premier grand Forum « Ambition Africa 2018 » ?

Amadou Kone – À l’invitation de Business France et du gouvernement français, nous sommes venus partager l’expérience de la Côte d’Ivoire en matière de mobilité et de développement des transports. Mais aussi échanger avec un certain nombre de partenaires du secteur des transports, actifs dans les infrastructures comme dans l’équipement.
C’est un cadre d’échanges entre les entreprises africaines et françaises et entre les gouvernements qui prennent en considération les préoccupations liées au financement des transports, aux innovations dans ce secteur, mais également aux solutions propres au Continent africain.

Qu’avez-vous retenu de tous ces débats ?

Amadou Kone – Deux choses essentielles. Nous avons été informés de ce que le gouvernement français – sous l’impulsion du président Macron – met en place les instruments de financement pour des projets en Afrique et des mesures d’accompagnement des entreprises françaises.
Cela est important pour nous, Africains. Vu l’expertise de vos entreprises, la mise en place de nouveaux instruments de financement innovants pour nos projets, notamment en Côte d’Ivoire, est une bonne chose. Nous avons aussi constaté cet intérêt important pour les pays africains. Plus de 350 chefs d’entreprise du Continent sont réunis ici à Bercy [et plus de 250 entrepreneurs français, ndlr], ce qui témoigne d’un intérêt fort pour nos pays et nos populations.

Voulez-vous nous résumer les grandes lignes du Plan d’urbanisme et de transport en Côte d’Ivoire ?

Amadou Kone – Avec le soutien de partenaires techniques et financiers comme la Coopération japonaise et la Banques mondiale, nous suivons un nouveau schéma d’urbanisme et de développement des transports d’Abidjan, car les deux projets sont liés.

Il s’agit de favoriser le développement vertical des villes, en créer de nouvelles à la périphérie d’Abidjan et accroître la mobilité à l’intérieur de cette grande agglomération. Mais en ayant un focus particulier sur le développement portuaire, car la capitale économique ivoirienne, c’est d’abord le Port autonome d’Abidjan.

Nous avons ainsi défini de nouvelles voies de contournement d’Abidjan, permettant l’extension de la ville sur la partie ouest et côtière. Et nous avons identifié trois zones logistiques à la périphérie d’Abidjan : une première pour parquer les camions, une autre pour le traitement du fret maritime et une troisième zone pour la réalisation d’un terminal de fret aérien, d’ici à six mois, à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. Voilà les grandes articulations de ce plan ambitieux qui doit être achevé en 2030, avec aussi la construction d’un grand périphérique.

De gauche à droite, des panélistes de la table ronde dédiée à la mobilité urbaine en Afrique : Ibou DIOUF, responsable du programme des Politiques de transport en Afrique de la Banque mondiale ; Amadou KONE, ministre des Transports de la Côte d’Ivoire ; Dominique LARESCHE, rédactrice-en-chef à TV5 MONDE, modératrice ; Guillaume LE BERRE, Directeur du développement international de Smoove. © Bruno FANUCCHI

« La première ligne du métro d’Abidjan
coûtera plus d’un milliard d’euros »

N’avez-vous pas également un projet pour la Lagune Ebrié ?

Amadou Kone – C’est la libéralisation et la réalisation d’infrastructures pour le transport lagunaire, qui a commencé par deux entreprises et passera d’une quinzaine à une quarantaine de bateaux d’ici à la fin de l’année. L’objectif, c’est la mise en valeur de tout le potentiel pouvant améliorer la circulation et faire face à l’intensification du trafic, avec l’agrandissement du port d’Abidjan et le contournement de la ville.

C’est un plan ambitieux… quel en est le coût ?

Amadou Kone – Il s’agit en fait du IIe plan quinquennal (2016-2020) du Président Ouattara, et je peux vous assurer que le transport est le secteur où il y a eu le plus d’investissements sous sa présidence. Si l’on prend en compte également le métro, c’est plus de 2 000 milliards de francs CFA qui lui sont consacrés.

Justement, où en êtes-vous avec ce chantier du métro d’Abidjan ?

Amadou Kone – Nous avons cinq lignes de métro prévues. Nous réalisons actuellement la première ligne qui traversera la ville du Nord au Sud, d’Anyama à l’aéroport d’Abidjan, à Port-Bouët. C’est une ligne de 38 km avec 20 stations, et qui devra transporter autour de 500 millions de passagers au cours des sept premières années.

L’enveloppe prévisionnelle s’élève à 1,4 milliard d’euros, et nous sommes en train d’optimiser pour baisser un peu les coûts. C’est un chantier réalisé en affermage concessif avec la Star, qui est un consortium d’entreprises françaises, dont le financement a été mobilisé à 100 % par la France grâce à l’AFD [l’Agence française de développement, ndlr] et le Trésor français.
Les travaux devront durer quatre ans et le chantier s’achèvera à la de fin 2022 ou au début de 2023. Le matériel roulant, c’est Alstom, le génie civil c’est Bouygues et Colas Rail, Théolis pour l’exploitation.

La deuxième ligne se fera dans la foulée, mais on n’a encore que des études sommaires et on attend un protocole d’accord avec le gouvernement français. Elle sera longue de 32 km et ira d’ouest en est, de Youpougon à Bingerville, pour transporter environ 500 millions de passagers par an.

Même si les Ivoiriens disent couramment « On ne mange pas les ponts », où en êtes-vous avec le quatrième pont en construction à Abidjan ?

Amadou Kone – Il doit être livré au premier semestre 2020. Tout se passe bien. On a libéré les emprises, les travaux ont commencé et doivent en principe durer vingt mois. Ce sera moins long que la construction du pont Henri Konan Bédié.

Séance inaugurale du grand Forum Ambition Africa, lundi matin 22 octobre à Paris-Bercy, au ministère de l’Économie et des Finances, avec les allocutions de : Christophe LECOURTIER, Directeur Général de Business France, opérateur de l’événement ; Agnès PANNIER-RUNACHER, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Economie et des Finances ; Jean-Baptiste LEMOYNE, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères ; Rémy RIOUX, Directeur Général de l’Agence Française de Développement (AFD) ; Sambou WAGUE, Ministre de l’Energie et de l’Eau du Mali ; Amadou KONE, Ministre des transports de la République de Côte d’Ivoire. © AM/AfricaPresse.Paris

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« La Chine se fait de l’argent en Afrique ! »

Les entreprises françaises sont-elles également présentes dans la réalisation de vos autres projets pour Abidjan, comme les pistes cyclables et les couloirs de bus ?

Amadou Kone – On vient juste d’achever les études et il faut que le gouvernement prenne maintenant des décisions. D’ici à 2020, on aura réalisé quelques kilomètres car nous avons déjà identifié 157 km et, avec la Banque mondiale, nous sommes en train de pousser pour démarrer un premier tronçon dès l’année prochaine.

Quant aux entreprises françaises… il faut qu’elles prennent beaucoup plus de risques ! Car d’autres sociétés européennes nous proposent déjà de réaliser ces couloirs de bus doublés de pistes cyclables, de fournir à la SOTRA [Société des Transports abidjanais, ndlr] des autobus et de faire payer à la fois les bus et les infrastructures sur le ticket.

C’est formidable car cela ne coûte rien à l’État ! L’an dernier, avec seulement 600 bus, la SOTRA a déjà transporté 88 millions de passagers. L’État dote désormais la SOTRA de 500 nouveaux bus chaque année, de sorte qu’en 2020 elle disposera d’un peu plus de 2 000 bus et prévoit de transporter plus de 425 millions passagers par an. Avec un tel trafic, on peut en effet imaginer un prélèvement sur le prix du ticket pour rembourser les prêts consentis pour construire ces lignes.

Donc, les entreprises françaises vous semblent trop frileuses ?

Amadou Kone – Les entreprises françaises, qui connaissant pourtant mieux notre pays, ne prennent pas en général beaucoup de risques financiers car elles sont à la fois trop frileuses et trop gourmandes. C’est pourquoi le projet du métro a autant traîné !

Un exemple concret : moi, j’achète des autobus : les 500 premiers bus, je les ai achetés à l’Indien Tata, et le second lot à l’entreprise italienne Iveco avec un financement tchèque et un taux concessionnel sur douze ans…

Où sont les Français, alors que la France a beaucoup plus de moyens ? Je rappelle à nos amis français que tous ces investissements rapportent de l’argent et que l’Afrique devient la priorité de beaucoup d’autres pays. Je ne crois pas que la Chine – très présente en Afrique – jette de l’argent par les fenêtres. La Chine se fait de l’argent en Afrique ! L’Inde se fait de l’argent. Et les États-Unis viennent d’annoncer 60 milliards de dollars d’investissement en Afrique… c’est pour se faire de l’argent, ce n’est pas par philanthropie.

La France, qui a avec nous des liens historiques et stratégiques et fait beaucoup en Afrique en matière notamment de sécurité et de lutte contre le terrorisme, devrait y réfléchir et travailler avec nous à des instruments et financements innovants.

Un dernier point sur l’aérien. Quelles sont les prochaines étapes du développement d’Air Côte d’Ivoire ?

Amadou Kone – Les investissements de départ pour une compagnie aérienne sont extrêmement lourds car les avions coûtent très cher. Air Côte d’Ivoire a en propre onze avions neufs et – pour être à l’équilibre – cela prendra beaucoup de temps. Dans le « business plan » d’Air Côte d’Ivoire, il était prévu que nous soyons déficitaires de 60 milliards de francs CFA jusqu’à la livraison du dernier appareil commandé. Et nous avons encore trois avions qui nous seront livrés en 2020.

Aujourd’hui, la compagnie a un déficit dû premièrement à la hausse importante du carburant, deuxièmement au retard dans la livraison des avions commandés plus tard que prévu à la suite de négociations longues et difficiles.

La compagnie se retrouve donc avec 65,50 milliards FCFA de déficit, dont 4,75 milliards de pertes. Mais l’État continuera de soutenir cette entreprise qui rend des services appréciables à l’économie ivoirienne. Grâce à Air Côte d’Ivoire, nous sommes passés à Abidjan de 600 000 passagers en 2011 à plus de 2 millions en 2017, dont 850 000 passagers transportés par la seule compagnie Air Côte d’Ivoire – ce qui permet de conclure des accords avec d’autres compagnies, comme Ethiopian Airlines qui vient d’ouvrir une ligne sur New York.

Air Côte d’Ivoire – dont Air France détient 11 % des parts et dont le général Coulibaly est toujours le président du conseil d’administration – assure aujourd’hui 23 liaisons aériennes et 300 vols par semaine. Elle n’est pas en danger, les avions sont commandés et seront livrés. Mais il y a des développements futurs à prévoir. Air Côte d’Ivoire entend intensifier la collaboration avec d’autres compagnies dans la sous-région, ouvrir de nouvelles lignes, notamment en dehors du Continent, ce qui nécessitera cependant l’achat de nouveaux appareils beaucoup plus chers, et mettre l’accent sur le transport du fret. C’est là encore un programme ambitieux.

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TOUS NOS ARTICLES (17) SUR LE THÈME ET L’ÉVÉNEMENT
du 1er FORUM AMBITION AFRICA
(Paris-Bercy, 22-23 octobre 2018)

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AmbitionAfrica - Amadou KONE, ministre ivoirien des Transports :
« Il faut que les entreprises françaises prennent bien plus de risques ! »

AmbitionAfrica – Kabirou Mbodje, PDG de WARI :
« Notre plate-forme digitale se veut une porte d’entrée incontournable en Afrique »

Ambition Africa - Yvonne Mburu, membre du CPA et CEO de Nexakili :
« Il faut renforcer le système de santé africain dans sa globalité »

AmbitionAfrica - Mossadeck Bally, PDG du Groupe Azalaï :
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Ambition Africa - Mossadeck Bally, PDG du Groupe Azalaï (2/2) : « Nous sommes fiers d’être un groupe panafricain d’origine malienne »

Ambition Africa - Frédéric ROSSI, DGD de Business France (1/3) :
« La création de la Team France Export est une innovation historique ! »

AmbitionAfrica - Frédéric ROSSI, DG délégué de Business France (2/3) :
« Business France et Bpifrance vont lancer ensemble
un accélérateur d’entreprises à l’international »

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« Après Ambition Africa, on ne lâchera rien ! »

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« Ambition Africa deviendra l’événement entrepreneurial de référence entre la France et l’Afrique ! »

Ambition Africa - Ylias Akbaraly, PDG Groupe SIPROMAD (Madagascar) :
« Notre bureau de Paris représentera toutes nos activités avec nos partenaires internationaux »

Ambition Africa - Paul BOURDILLON, DGA SUEZ Afrique, Inde et MO (1/2) :
« Le développement inclusif est véritablement au cœur des activités de SUEZ en Afrique »

Ambition Africa - Paul BOURDILLON, DGA de Suez Afrique, Inde et MO (2/2) : « En Afrique, il faut financer à la fois la construction
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Ambition Africa - Vincent Stempin, DG de MÜPRO, TPE exportatrice en Afrique : « Nous avons identifié un potentiel important en Côte d’Ivoire »

#AmbitionAfrica - @Pedro__Novo, Directeur Export Bpifrance :
« Notre Fonds franco-africain vise à fertiliser PME et co-entreprises »

- Pierre-Yves Pouliquen, DG Afrique, MO et Inde de SUEZ :
« Le traitement des déchets est l’une des urgences de l’Afrique » (1/3)

- Pierre-Yves Pouliquen, DG Afrique, Moyen Orient et Inde de SUEZ : « L’Afrique nous oblige à réinventer nos modèles d’action et d’inclusion » (2/3)

Pierre-Yves Pouliquen, DG Afrique, MO et Inde de SUEZ :
« Nous travaillons en Afrique avec la même exigence technique et humaine qu’en France » (3/3)

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Une des affiches de promotion de l’événement Ambition Africa, à Paris, à proximité du ministère de l’Économie et des Finances. © AM/APP

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