Agriculture en Afrique : Les défis actuels de la résilience en débat à l’École militaire de Paris
.
Par Denis Deschamps, pour AFRICAPRESSE.Paris
@DjuliusD @africa_presse
.
Avec pour objectif de faire un état des lieux de l’agriculture en Afrique des conséquences induites par le changement climatique et les risques sécuritaires, cette Conférence a réuni différents experts (CIRAD, CNRS, IRD, UNESCO, Cian…) qui ont échangé entre eux et avec le public sur les évolutions prévisibles (impact du changement climatique sur l’agriculture africaine) ; les solutions possibles (défis et opportunités en termes de filières professionnelles et de métiers) par rapport à ce panorama.
.
L’impact climatique : plus
de 8 Md$ de pertes par an
La vulnérabilité de l’Afrique au changement climatique a été particulièrement soulignée par les intervenants de la première table ronde, dont l’animatrice Niagale Bagayoko (African Security Sector Network) a évoqué, entre autres, le rapport du GIEC de 2022 : l’Afrique est, de fait, maintenant fortement impactée par des extrêmes climatiques (sécheresses, inondations) qui entraînent des pertes économiques importantes (plus de 8 milliards de dollars par an), consécutives notamment à la baisse de productivité agricole.
Il a été ainsi rappelé par les experts que plus de 65 % de la population africaine est toujours rurale et vit essentiellement de l’agriculture, dont 95 % dépend totalement de cultures pluviales. Avec le dérèglement climatique, la sécurité alimentaire du continent devient ainsi d’autant plus difficile à assurer que la dépendance aux importations de produits issus de cultures vivrières tend à augmenter (avec un impact certain des prix mondiaux sur ces produits).
Il convient donc, selon les spécialistes, de développer le recours à l’irrigation (aujourd’hui, elle concerne seulement 5 % de l’agriculture africaine) et de développer l’information climatique des décideurs et des paysans, pour remédier les effets socio-économiques induits par le changement climatique, comme les conflits sécuritaires en cours et les mouvements de migration que la Banque mondiale prévoit importants en Afrique sub-saharienne d’ici à 2050.
.
Porter assistance aux
populations locales
Par rapport à cela, le choix peut certes être fait de faciliter ces migrations, mais il est plus concevable de porter assistance aux populations locales, en contribuant à la résilience du secteur agricole grâce à des actions permettant : la diversification des cultures, le développement de semences résilientes et le développement de la micro-irrigation (avec le recours au solaire et une exploitation optimisée des aquifères).
La question sécuritaire au Sahel central a également été débattue dans le cadre de cette première table ronde, dont un intervenant (Seidik Abba, chercheur au GIRHA) a évoqué la « gouvernance alternée » au Sahel, entre le gouvernement (le jour) et les groupes djihadistes (la nuit). Selon lui, les paysans, éleveurs et pêcheurs n’ont alors pas d’autre choix que de verser une Katiba (taxe) aux organisations terroristes qui les menacent au quotidien.
Aussi, il a été relevé que le réchauffement climatique (avec la déforestation et l’acidification des sols…) contrarie aujourd’hui très fortement le consensus social traditionnel entre éleveurs et agriculteurs, dans la mesure où les couloirs de transhumance ont changé et aussi parce que l’éloignement entre les zones de production agricole et les zones de consommation a augmenté avec le développement des surfaces de cultures extensives (avec, pour conséquence, une baisse de productivité à l’hectare).

.
Des solutions d’adaptation
climatique pour l’agriculture
Dans le cadre de la deuxième table ronde, les personnalités modérées par Patrick Sevaistre (Cian et EBCAM) ont évoqué l’agriculture comme étant solution particulièrement adaptée pour une résilience africaine fondée sur la création d’emplois, mais à condition de procéder à sa mécanisation, qui reste largement conditionnée par l’accès aux financements. Or, l’agriculture, qui se place sur le temps long et ne donne pas de résultats apparents, n’est pas la destinataire privilégiée des investissements, ceux-ci visant plutôt des infrastructures visibles, qui sont politiquement plus rentables.
On rappellera ainsi que malgré l’engagement de Maputo pris par les États africains en 2003, seulement cinq d’entre eux consacrent plus de 10 % de leur budget au développement agricole et rural.
Pourtant, comme les différents intervenants l’ont exposé, il existe des solutions d’adaptation climatique pour l’agriculture africaine :
> Tout d’abord, il y a l’aménagement des terres agricoles grâce à l’irrigation recourant à des nappes souterraines abondantes.
> Ensuite, les savoirs ancestraux / locaux qui conduisent à une culture fondée sur le défrichage en demi-lune – sachant qu’aujourd’hui 62 % des sols africains sont dégradés ou en voie de dégradation et que la biodiversité semble atteinte sur le continent,.
> Enfin, parmi les autres solutions possibles, les exposants ont évoqué :
– L’agroforesterie (avec des plantations de Faidherbia Albida qui est un arbre avec une activité contracyclique).
– Les semences améliorées (sachant toutefois que celles-ci induisent un dépendance accrue vis-à-vis du Nord).
– Les outils numériques (blockchain…) qui permettent d’améliorer les pratiques.
– Le renforcement de la recherche africaine, avec des structures continentale comme Africa Rice.

.
Enfin, le renforcement des chaînes de valeur (avec une industrie de transformation et une logistique améliorée) a été cité par Étienne Giros, Président du Cian, qui a conclu sur la nécessité de mettre en place une politique de filières pouvant impulser une réelle dynamique au secteur agricole africain (amélioration du rendement et création de valeur)
……
La prochaine Conférence sera organisée par Convergences franco-africaines le 27 octobre 2025.
◊ ◊ ◊