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#AIFA2019 – Stephen Decam (CIAN) : « C’est le moment d’aller en Afrique car plus on attendra, plus cela sera difficile et cher »

7 décembre 2019
#AIFA2019 – Stephen Decam (CIAN) : « C'est le moment d'aller en Afrique car plus on attendra, plus cela sera difficile et cher »
Le Secrétaire général du CIAN - Conseil français des investisseurs en Afrique – a vivement incité les entrepreneurs français à investir sur le Continent, à condition qu’ils aient un savoir-faire, un bon produit et qu’ils prennent « un certain nombre de précautions ». Selon lui, « il faut y aller maintenant parce que plus le temps va passer, plus les places seront chères ».

Stephen Decam s’exprimait mercredi 4 décembre devant l’Africa Investments Forum & Awards 2019 (AIFA), un événement organisé par Leaders League (éditeur notamment de Décideurs Magazine), à Paris, au Pavillon d’Armenonville. Le forum a réuni plus de 700 leaders de premier plan des secteurs public et privé : PDG, DG, directeurs d’investissement, directeurs internationaux, experts et acteurs institutionnels, etc.

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Jean-Louis Alcaide, AfricaPresse.Paris
@jlalcaide1 | @PresseAfrica

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Faut-il aller en Afrique ? Y aller vite, lentement ? Avec quel niveau de préparation investir en Afrique ? Comment choisir sa base d’implantation ? Comment choisir les investissements ?... À qui mieux qu’à Stephen Decam, Pierre-Etienne Lorenceau, directeur de Leaders League, pouvait-il poser ces questions pour lancer l’Africa Investments Forum & Awards 2019 (AIFA), l’événement qu’il organisait mercredi 4 décembre à Paris. Secrétaire général du CIAN - Conseil français des investisseurs en Afrique – et ancien Directeur général délégué du Groupe CFAO, Stephen Decam est né au Maroc et a fait toute sa carrière en Afrique, un continent qu’il a sillonné dans tous les sens.

Envie d’Afrique

« Il y a une envie d’Afrique, a observé ce responsable du CIAN. Beaucoup de gens réalisent que la croissance, ce n’est pas en Europe et ses marchés matures qu’ils vont la trouver ». Or l’Afrique est «  aujourd’hui une des seules terres d’aventure à portée de main », a-t-il ajouté, détaillant les avantages qu’il y voit : « La proximité, le même fuseau horaire, la même langue dans la moitié du Continent ».
« Il semble évident d’aller en Afrique aujourd’hui, a souligné Stephen Decam, parce que c’est là que se trouve le marché, parce que plus le temps passera, plus les places seront chères, car la concurrence va se mettre en place. Si on a un savoir-faire, un produit que l’on maîtrise bien et que l’on prend un certain nombre de précautions, c’est effectivement le moment d’y aller : plus on attendra, plus cela sera difficile, plus ce sera cher ».

Mise en garde

Ce qui ne veut pas dire que ce sera « simple  », a mis en garde cet expert de l’Afrique. Tout d’abord, plutôt que d’exporter les produits, il recommande de produire localement, si « vous voulez être compétitifs en termes de coûts », et transférer les processus en les adaptant aux spécificités locales. Mais attention, on peut rencontrer « un certain nombre de difficultés » car transporter des processus, cela fonctionne mais à condition qu’à l’autre bout, on dispose « des fondamentaux pour faire de l’industrie ».
S’il n’y a pas d’électricité et que l’on est obligé de travailler avec des groupes électrogènes 24h/24, « c’est de la folie », comme cela lui est arrivé au Nigeria. « Si l’on veut industrialiser l’Afrique, a-t-il martelé, il faut commencer par mettre en place les bases nécessaires en termes d’énergie, de transports, d’infrastructures »...

Moins cher que moins cher

Et puis, il faut « franchir les barrières à l’entrée » qui peuvent être « coûteuses  », mais se révéler aussi « positives  » car elles peuvent par la suite « protéger des concurrents ». « Si vous franchissez ces barrières, a expliqué cet ancien DG de la CFAO, vous vous retrouvez dans un espace que vous maîtrisez avec une concurrence qui aura du mal à s’installer.
Une position intéressante, à condition que vous maîtrisiez votre processus de production et que vous soyez leader sur le marché, parce que si vous allez en Afrique pour vendre des sardines ou des pâtes, à mon avis, vous avez peu de chances de réussir, parce que votre démarche n’aura rien d’innovant par rapport aux producteurs locaux, car ils font toujours… moins cher que moins cher ! »

Le souci, c’est que ces barrières à l’entrée « ne sont pas indolores », a-t-il noté, avant d’énumérer : la sécurité, en particulier dans les pays aujourd’hui à risque ; la « mal gouvernance » – surtout « si vous avez un jour besoin de faire appel à la justice qui, par définition, va vous "flinguer“ » – et la corruption. Celle-ci n’est certes « pas une spécificité africaine », mais c’est « une réalité et un piège car quand vous rentrez dedans, il est très difficile d’en sortir ». « Pour résister à la corruption, a estimé Stephen Decam, il faut être soit un grand groupe très costaud, soit avoir les reins très solides ».

Créer des hubs

Encore faut-il savoir où investir en Afrique, dans quel pays ? « Il faut s’appuyer sur la sous-région, a insisté le secrétaire général du CIAN, car, pris individuellement, les marchés nationaux sont trop petits. Il faut créer des hubs ».
À ses yeux, le hub pour l’Afrique de l’Ouest, c’est la Côte d’Ivoire, le Cameroun pour l’Afrique centrale, le Kenya pour l’Afrique de l’Est et le Maroc pour l’Afrique du Nord. « Ah oui ! La Côte d’Ivoire ! », s’est exclamé sans surprise Ali Bamba, directeur général du ministère ivoirien du Plan et du Développement : « Nous sommes la porte d’entrée d’un marché de plus de 300 millions de consommateurs, la CEDAO ! »

Avantages concurrentiels

Les avantages concurrentiels de la Côte d’Ivoire sont « manifestes  » : sa stabilité économique, ses infrastructures "de premier plan", y compris son réseau routier et les grands ports d’Abidjan et de San Pedro, une vision du développement porté par un plan national décliné en projets et programmes, ainsi que plusieurs réformes structurelles mises en place « pour améliorer l’environnement des affaires et la bonne gouvernance ».

« Aujourd’hui, a insisté Ali Bamba, investir en Côte d’Ivoire, c’est la garantie d’un retour sur investissement important. La Côte d’Ivoire arrive à lever des financements en eurobonds sur les marchés internationaux, ce qui montre une crédibilité de la signature de l’État ivoirien ».

Concurrence déloyale

Beaucoup d’entrepreneurs français se plaignent cependant de la concurrence de certains pays, notamment la Chine, jugée « déloyale  ». « Les règles de concurrence qui s’appliquent localement ne sont pas égales pour tout le monde », a constaté avec amertume Stephen Decam.
Les entreprises de la zone OCDE sont tenues de respecter un certain nombre de règles, sociales, sociétales et environnementales entre autres, dont leurs concurrents chinois ou indiens n’ont que faire, selon ce dirigeant du CIAN. « On le voit bien dans le secteur des travaux publics. Les entreprises françaises ont des règles de RSE qu’elles n’abandonnent pas en traversant la Méditerranée. Si en face, vous avez des gens qui n’appliquent pas ces règles, vous avez un problème concurrentiel », a-t-il expliqué avant de dénoncer la mauvaise qualité des routes construites par les Chinois.

Abandon de créances

« Quant aux marchés de gré à gré que les Chinois utilisent volontiers, a-t-il longuement expliqué, leurs investissements sont payés avec des prêts chinois consentis aux États. Le jour où la Chine va vouloir récupérer ses dettes sur l’Afrique, soit elle va se tirer une balle dans la tête, soit elle va être obligée de faire un abandon de créances et cela va leur coûter très, très cher. En Europe et en France, nous avons connu avec le Club de Paris et de Londres des abandons de dettes en Afrique pour des montants considérables. Regardez ce qui se passe au Venezuela aujourd’hui, c’est la plus grosse dette extérieure de la Chine et les Chinois ne sont pas près de la récupérer ! »...

" La concurrence, une très bonne chose "

Un point de vue que Ali Bamba n’a pas du tout partagé : « La concurrence, c’est une très bonne chose. Cela offre des solutions à l’Afrique car les besoins en investissements sont tellement importants que la France et l’Union européenne ne pourront pas les satisfaire tous. Le fait que d’autres pays interviennent, c’est bien, à condition d’encadrer ces investissements et de s’assurer que la concurrence se fait sur des bases saines ».

Construire une route à un milliard...

Quant à la mauvaise qualité des infrastructures, le responsable ivoirien a raconté : « Lorsque nous échangeons avec des investisseurs chinois, ils nous disent : "Si vous me demandez de construire une route à un milliard, alors que le coût est de 15 milliards, on va vous donner quelque chose pour un milliard“.
Tout dépend donc de ce que vous voulez. Il faut qu’il y ait un échange plus important entre les entreprises et les gouvernements, pour bien expliquer ce qui est en train d’être fait, et avoir des investissements durables tenant compte des besoins des populations
 ».

Les meilleurs du monde

En fait, le choix entre Européens, Français et Chinois « dépend de ce que vous voulez faire, a rétorqué Stephen Decam. Si vous voulez une usine de fers à repasser ou d’outillages, il n’y a pas une entreprise française capable de faire ces produits à des prix africains. Donc, ce sera l’affaire des Chinois. En revanche, la France, puisqu’on parle de la France, a des savoir-faire qui, à mon avis, sont les meilleurs du monde », comme dans les infrastructures urbaines et les services aux municipalités. « Aujourd’hui, a-t-il pointé, la population de l’Afrique est de 1,2 milliard d’habitants ; dans 30 ans elle sera de 2,5 milliards, dont la moitié des urbains. C’est formidable, mais cela peut être une catastrophe si la bonne option » n’est pas choisie…

Une terre d’avenir

Alors faut-il vraiment, malgré tout, aller en Afrique ?, a interrogé Pierre-Etienne Lorenceau, le directeur de Leaders League. « Si on va en Afrique, c’est comme chez Total, on n’y va pas par hasard, a conclu a conclu Stephen Decam paraphrasant une pub du groupe pétrolier. Il faut y aller parce que vous avez un marché, un produit, un savoir-faire. Et si ’on maîtrise son business plan qui mesure les risques, les opportunités et les coûts, alors oui, l’Afrique est une terre d’avenir ».

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