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À propos d’un cas de censure européenne : « Pourquoi le débat sur le Rif au Parlement européen devrait-il être libre et démocratique ? », par Lahcen HADDAD

28 octobre 2022
À propos d'un cas de censure européenne : « Pourquoi le débat sur le Rif au Parlement européen devrait-il être libre et démocratique ? », par Lahcen HADDAD
Ne parle pas qui veut au Parlement européen… même si l’on est co-Président de la commission parlementaire mixte Maroc/UE ! C’est la déconvenue que vient de vivre le député marocain Lahcen HADDAD. Voilà une tache de plus sur ce Parlement post-démocratique où des activistes choisissent selon leur bon vouloir qui a le droit d’être entendu, ou surtout pas !

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Une tribune libre de Lahcen HADDAD, ancien ministre,
co-Président de la Commission parlementaire mixte Maroc/UE

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Le 27 octobre, deux membres du Parlement européen ainsi que des militants originaires de la région du Rif au Maroc, ont organisé un événement au Parlement européen portant le titre « Au-delà du Hirak : une nouvelle vision pour le Rif ».

Je me suis proposé comme intervenant lors de l’événement en ma qualité de co-président de la commission parlementaire mixte Maroc/UE, et en tant qu’expert et écrivain sur les questions liées aux droits de l’homme et au développement. J’ai pensé que je pouvais apporter une perspective parlementaire et d’expert au débat et enrichir l’échange que les organisateurs avaient prévu d’avoir sur ce sujet important. Mais la partie organisatrice a purement et simplement rejeté ma demande sans aucune explication valable.

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Un déni de droit de parole fait à un élu

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Je suis choqué que les organisateurs de l’événement, se disant militants des droits de l’homme, aient refusé d’entendre le point de vue d’un parlementaire. La démocratie se construit autour des différences et du débat d’idées. Un point de vue différent ne peut qu’enrichir le débat. Les organisateurs veulent-ils qu’un seul point de vue soit entendu au Parlement européen ? L’essence du débat dans cette vénérable institution est la liberté d’opinion, la différence et la pluralité des voix.

Entendre mon modeste point de vue ne ferait pas de mal ; au contraire, cela donnerait au public une multiplicité d’opinions sur les droits de l’homme et les problèmes de développement auxquels est confrontée la région du Rif au nord du Maroc.

J’ai envoyé aux organisateurs mes réflexions sur la question dans l’espoir qu’ils les partagent avec le public, mais ce fut également en vain. Je les publie ici pour enrichir le débat autour de la question et dans l’esprit des droits de l’homme, de la liberté d’expression et de la pluralité des opinions qui doivent marquer notre travail et notre interaction en tant que députés et société civile.

Mes réflexions sur le sujet ont été formées après des années de suivi des questions de droits et de développement de cette région du nord du Maroc. La situation des droits de l’homme a été au centre de l’attention de tant d’organisations, mais je trouve que le rapport détaillé du Conseil national marocain des droits de l’homme (« Rapport sur les protestations d’Al Hoceima Mars 2020 ») est le plus objectif, le plus détaillé, et axé sur les faits ; bien qu’il n’exonère pas l’État de ses responsabilités, il tient également les manifestants responsables de l’utilisation de la violence et des discours de haine, et l’opinion publique locale et nationale pour la fabrication et la diffusion de fausses nouvelles trompeuses.

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Pour une grâce générale

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Les événements ont été un chapitre douloureux de l’histoire du Maroc alors qu’il se dirige avec détermination vers la démocratie, le pluralisme et un état de droit ; néanmoins, les droits de l’homme ne peuvent être promus et défendus s’ils ne sont pas conçus sur la base de faits et d’un mécanisme de redevabilité clair, soulignant succès et échecs, le tout dans le but de parvenir à la vérité sur ce qui s’est passé, d’en tirer les leçons nécessaires et d’œuvrer pour un avenir meilleur pour tous les citoyens, guidé par les valeurs d’équité et de justice pour tous.

Le sujet est encore bien présent dans l’espace public au Maroc. Le Parlement n’a cessé d’interpeller le Gouvernement sur sa politique de développement de la région du Rif et deux partis d’opposition (actuellement au Gouvernement depuis 2021), à savoir le Parti Istiqlal (dont je suis membre) et le Parti Authenticité et Modernité ont demandé la grâce générale de toutes les personnes qui ont été condamnées à des peines de prison, à la suite de leur participation à des actes de violence lors des événements du Rif entre le 28 octobre 2016 et le 27 octobre 2017. La plupart des personnes incarcérées ont bénéficié d’une grâce royale à différentes occasions depuis 2018.

Les forces de sécurité marocaines ont fait usage de force pour faire face à des actes de violence de la part de manifestants, mais les allégations de torture n’ont pas été étayées, selon le rapport de la CNDH, à l’exception de trois cas. Neuf cas de recours excessif à la force ont également été signalés, en plus de trois cas de traitements cruels et inhumains en détention ; toutes les autres allégations de torture de la part des forces de sécurité sont restées non fondées et médicalement non corroborées.

La violence des manifestants contre les forces de sécurité a fait 788 blessés, dont deux graves entraînant un handicap. Certains rapportent que les manifestations pacifiques ont été détournées par des éléments violents, mais on ne sait pas exactement quand cela s’est produit.

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Les recommandations du CNDH

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Dans l’esprit de la nouvelle vision pour le Rif, tel qu’exprimé dans le titre de cet événement, il est important que les recommandations du CNDH soient mises en œuvre pour s’assurer que ces événements ne se reproduisent plus. Améliorer les conditions de garde à vue en utilisant des caméras lors des interrogatoires, être assisté d’un avocat lors des interrogatoires, former les forces de sécurité sur la façon de traiter les manifestants violents tout en protégeant leur droit de manifester pacifiquement, éduquer les manifestants sur la nécessité de respecter les ordres des forces de sécurité et de ne pas utiliser la violence à leur encontre, promulguer une législation sur l’utilisation du discours de haine et sensibiliser l’opinion publique à la manière de lutter contre les fausses nouvelles, et construire des infrastructures pour sauvegarder la mémoire de la région et promouvoir son histoire sont quelques-unes des recommandations les plus importantes formulées par le CNDH.

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Des milliards d’euros
pour le développement du Rif

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Le gouvernement du Maroc a répondu aux demandes de la population du Rif en concevant une vision de développement ambitieuse qui porte déjà ses fruits. Les investissements comprennent diverses initiatives dans l’agro-industrie, l’immobilier, le tourisme, etc. D’autre part, les infrastructures culturelles comprennent un opéra, un institut de musique, un village sportif, des stades et des dômes sportifs etc. Le nombre de projets est effarant : 563 à vocation sociale ; 139 pour les projets économiques ; 87 pour l’adaptation et la résilience environnementales ; 95 pour les routes, les ponts et d’autres formes d’infrastructures ; 62 pour le développement territorial et 6 pour les espaces religieux.

Dans le pipeline, on trouve également l’institut de la mémoire, une université, un hôpital ultramoderne et divers autres projets

Avec ces efforts évalués en milliards d’euros, le Maroc a répondu positivement aux demandes légitimes de la population du Rif. Bien sûr, beaucoup reste à faire en matière de formation, d’approche du développement fondée sur les droits et le genre. Mais la volonté est là ,et la population voit déjà comment le Hirak a atteint ses objectifs malgré le triste chapitre de la violence et de l’incarcération.

C’est là la Vision du Maroc pour un nouveau Rif ; elle est la mienne aussi ; elle n’est ni apologétique ni extrémiste. M’entendre aurait produit une discussion fructueuse sur la véritable voie à suivre, en particulier dans l’enceinte d’une institution qui est le phare de la liberté et de la liberté d’expression, à savoir le Parlement européen.

Je n’ai pas été autorisé à prendre la parole, mais j’espère que les organisateurs comprendront mon point de vue tel qu’il est exprimé ici et procéderont à l’ouverture d’un débat avec les députés marocains sur la meilleure voie à suivre, de manière positive et constructive.

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NB - Les intertitres sont de la rédaction.

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CMAAP 6, le 9 novembre : « AFRIQUE-EUROPE : quelles avancées vers une coopération économique plus forte ? » INSCRIPTIONS OUVERTES

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Voyez ici le REPLAY de notre CMAAP 5, du 6 octobre 2022 :

« LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
PEUT-ELLE SE RELANCER EN AFRIQUE ? »

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