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VIe Ambition Africa / Le Ministre Bruno J. R. ITOUA (Congo) : « La transparence doit être totale, et pas ne concerner que l’Afrique »

21 novembre 2024
VIe Ambition Africa / Le Ministre Bruno J. R. ITOUA (Congo) : « La transparence doit être totale, et pas ne concerner que l'Afrique »
Bruno Jean Richard ITOUA, ministre congolais des Hydrocarbures, lors de son intervention à Ambition Africa 2024, à Paris Bercy. Photo © DR
Invité très attendu de la VIe édition d’Ambition Africa, qui a battu tous les records d’affluence à Paris-Bercy, le ministre congolais des Hydrocarbures a surpris par son franc-parler. Entretien à l’issue de son panel consacré aux industries extractives en Afrique autour de deux mots clés : transparence et inclusivité.

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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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APP – Les hydrocarbures, dont vous avez la charge au Congo, représentent de très loin la première richesse du pays. Pouvez-vous nous rappeler quelques chiffres ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Au Congo aujourd’hui, les hydrocarbures représentent 70 % du budget, 60 % du PIB et près de 80 % des exportations. C’est dire tout le poids que représente ce secteur pour l’économie du pays. Et pour faire œuvre de transparence, nous avons choisi d’adhérer à l’ITIE (Initiative pour la Transparence des Industries Extractives) car il faut que cette manne profite avant tout aux populations locales. C’est pourquoi, dans le pétrole, nous parlons de « projets sociaux ».

APP – Ces « projets sociaux », quels sont-ils ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Si, demain, 40 %, 50 % ou 60 % de la population du Congo peut bénéficier de l’activité pétrolière, minière et forestière, cela lui donnera plus de chances d’améliorer ses conditions de vie, en lui apportant des ressources et des capacités à résoudre ses problèmes.
Il est donc important pour nous que le secteur pétrolier, susceptible de jouer ce rôle pilote, l’assume pleinement. C’est pourquoi nous venons de lancer récemment une plateforme du suivi du contenu local, où tout ce qui concerne aussi bien les ressources humaines que la formation participe à l’amélioration de la vie quotidienne des populations.

APP – Peut-on en savoir plus sur cette plateforme ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Le contenu local, c’est vraiment pour nous l’élément le plus important de l’inclusivité. Aujourd’hui, les activités extractives sont essentiellement menées par des entreprises étrangères, dans le pétrole comme dans les mines.
Si l’on arrivait à transférer ne serait-ce que 40 % de ces activités, principales et secondaires (notamment ce que l’on appelle la sous-traitance), à des entreprises locales, ce serait bien évidemment au bénéfice du pays. Car ces entreprises épargneraient dans le système financier local, investiraient et créeraient de l’emploi. Elles transféreraient de l’expertise, de la compétence, de l’appropriation. Cela aurait un impact extraordinaire sur le pays.

APP – Faut-il fixer un taux minimum pour que ces bénéfices soient réinvestis au Congo en priorité et dans la sous-région ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Aujourd’hui, quand une entreprise étrangère intervient dans le pétrole, les revenus ne sont pas du tout redistribués dans le pays, mais alors pas du tout !
Le pétrole est exporté, les contrats de trading sont négociés à l’extérieur et les paiements se font aussi à l’extérieur. L’économie nationale et même l’économie sous-régionale n’en bénéficient pas du tout.
Nous sommes donc en train de batailler – nos chefs d’État en tête - pour que 25 % de ces revenus reviennent dans la sous-région, pour alimenter le système financier de la sous-région. Pour financer l’économie, l’agriculture, les PME, l’industrie locale et ainsi de suite... Cette plateforme nous permettra d’assurer – je l’espère – un suivi intégral de ces activités.

Le panel consacré aux industries extractives cap sur la transparence et l’inclusivité. Photo © B.F.

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« Notre motivation principale, c’est
de développer la transformation locale »

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APP – Quel message avez-vous délivré à Ambition Africa ?
Bruno Jean Richard ITOUA -
En qualité de ministre des Hydrocarbures, le message que j’ai voulu passer, ici à Bercy, dans ce panel consacré à la transparence dans les industries extractives, c’est que l’Afrique est totalement mobilisée sur ce sujet. En matière de transparence, la plupart des pays qui produisent du pétrole, du gaz ou des mines sont sourcilleux au regard du déroulement des opérations.

Notre principale motivation dans cette industrie, ce que nous voulons, c’est pouvoir développer la transformation locale et que ces ressources naturelles profitent d’abord à l’Afrique, grâce précisément à leur transformation au Congo. Car les sociétés d’exploitation produisent surtout pour les autres et pas pour l’Afrique mais, au-delà de cela, il y a un « cahier des charges » et l’utilisation de produits locaux auxquels nous sommes très attachés.

APP – Cette exigence de transparence ne vous semble-t-elle pas à géométrie variable ?

Bruno Jean Richard ITOUA - Cette exigence de transparence, nous la comprenons mais l’on ne va pas continuer à ne s’occuper uniquement que des industries extractives, car il y a beaucoup d’autres problématiques qui mériteraient également d’être traitées de la même manière. Je pense naturellement à la santé et à l’industrie pharmaceutique et il faut que l’on soit aussi exigeant à ce sujet, pas seulement en Afrique, mais partout dans le monde.

APP – Vous soulignez que le secteur dont vous avez la charge ne doit pas être le seul à faire preuve de transparence. Que voulez-vous dire ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Si les intentions sont des intentions positives de recherches réelles de transparence au bénéfice de toutes les parties prenantes et en premier au bénéfice des populations, si c’est vraiment cela le souci, pourquoi s’arrêter en effet aux industries extractives comme si c’étaient les seules qui avaient un impact sur la vie des populations ?
On voit bien que, derrière, les intentions ne sont pas très bonnes. Elles sont fondées sur des soupçons de corruption et d’opacité alors que les activités extractives en Afrique sont assurées par des compagnies européennes qui ont pignon sur rue.

Le Grand reporter Bruno et le ministre Bruno J. R. ITOUA à Bercy, à l’issue de leur entretien. Photo © DR

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APP – Peut-on les nommer ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Chez nous, au Congo, le premier opérateur s’appelle Total Énergies, le deuxième s’appelle ENI. Ces entreprises ont des obligations de redevabilité, de transparence vis-à-vis non seulement de l’Afrique, mais de leurs actionnaires, des institutions auxquelles elles sont raccordées, notamment les bourses. Elles ont des obligations de visibilité de ce qu’elles font, bien évidemment, car il y a un certain nombre de normes et de standards à respecter.
Si ce sont elles qui interviennent majoritairement, pourquoi de tels soupçons ? Si elles font de mauvaises déclarations, il faut aller tout vérifier...

APP – Vous prônez donc une transparence totale pour tous ?

Bruno Jean Richard ITOUA – Parfaitement, car c’est assez étonnant qu’il y ait ce paradigme de base qui est mauvais. Moi, je ne suis pas là pour accuser quelqu’un, mais l’on sait très bien quand dans le monde de la pharmacie et des laboratoires, il se passe beaucoup de choses et pourtant, on n’en parle pas !
Le nouveau ministre de la Santé des États-Unis, qui est avocat par ailleurs et extrêmement célèbre, vient de gagner un procès par lequel il démontre que ce que l’on a déclaré comme « vaccins anti-Covid » n’étaient pas des vaccins.

APP – C’est un autre débat...

Bruno Jean Richard ITOUA – Peut-être, mais ce que je veux dire par là c’est que soit le changement climatique, soit le suivi des indicateurs et des performances de chacun des pays, cela exige que toutes ces évolutions soient suivies de très près.
Les températures augmentent, les niveaux d’eau montent et, concernant tous ces phénomènes, on n’a visiblement pas la même exigence de transparence et de visibilité. Cela me paraît donc suspect comme intention. C’est pourquoi je souhaite qu’il y ait la même exigence – que nous mêmes nous nous imposons – et qu’elle s’applique à tout et partout et pas uniquement à l’hémisphère Sud.

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Agenda Paris, mardi 26/11/24 - Neuf Ambassadeurs participeront à la XVe CAAP, dédiée aux réseaux ferrés en Afrique. DERNIÈRES PLACES DISPONIBLES…

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