À la CMAAP 13 / Le Député Bruno FUCHS, Délégué général de l’APF : « Proposons à nos partenaires africains de les accompagner dans l’accès à leur souveraineté économique, politique et citoyenne ! »
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par Alfred MIGNOT pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Le 29 mai au soir, Bruno Fuchs se trouvait encore à Yaoundé, capitale du Cameroun, où il participait à une assemblée francophone régionale. Le député du Haut-Rhin a donc voyagé dans un avion de nuit pour rejoindre dès jeudi 30 au matin les éminents panélistes et participants (voir la légende de la « photo de famille », ci-dessous) de la XIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 13), organisée par Africapresse.paris et qui a d’ailleurs pu se tenir, grâce à lui, à la prestigieuse Salle Colbert de l’Assemblée nationale – ce dont nous le remercions chaleureusement.
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La France sera conduite
« à se repositionner »
La France sera conduite
« à se repositionner »
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Plaçant d’emblée son propos au cœur du sujet – le thème de la conférence étant « Comment dérisquer investissements et entreprises dans les pays frontaliers du Sahel en crise ? » – Bruno Fuchs a choisi d’évoquer ce « pays pivot de la région qu’est le Sénégal », où malgré quelques cahots le processus démocratique s’est finalement joué jusqu’au bout, « ce qui apporte beaucoup de poids et de crédibilité à la parole du pays ».
Le positionnement géopolitique du Sénégal constitue aussi un élément intéressant, considère le Député, car il place en perspective « une sorte de troisième voie vers un panafricanisme plutôt ouvert et tourné vers la mondialisation, contrairement à certains panafricains plutôt renfermés sur eux-mêmes et avec des caractères plus conservateurs ou intégristes. En tout cas, ce positionnement du Sénégal est pour moi un élément essentiel, comme a pu l’être celui du Maroc qui, à une certaine époque, a joué un rôle pivot dans les relations Nord/Sud-Sud. »
Face à cette nouvelle gouvernance du Sénégal du jeune Président Bassirou Diomaye Faye, la France sera conduite « à se repositionner et à repenser la relation avec nos partenaires francophones, et donc de la zone Sahel en particulier.
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Plus de coopération
que de compétition
Plus de coopération
que de compétition
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D’ailleurs, précise Bruno Fuchs, la France ne pourrait se soustraire à cet aggiornamento, tant les relations entre les deux pays sont denses : plus de 160 000 Sénégalais se trouvent en France, en plus de 30 000 étudiants. La France est le premier investisseur au Sénégal et le premier partenaire commercial – cette année elle a repris sa première place, devant la Chine.
Aussi, dans la perspective de cette refondation d’une relation proactive avec l’Afrique, et des besoins de son développement, il faut bien admettre qu’aucun pays au monde n’a les moyens, pas même la Chine, d’être à l’échelle des besoins du développement du continent, insiste le Délégué général de l’APF. « Et donc, quoi qu’il arrive, il faudra apprendre à travailler avec les autres opérateurs, plutôt en partenariat qu’en compétition. Ce sera à l’avantage de tout le monde. »
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Reste à voir, dans les prochains mois et années, si les Français seront capables d’effectuer leur mue, se défaisant notamment de leurs « irritants », soit des comportements encore trop arrogants ou paternalistes lorsqu’ils ont affaire aux Africains francophones. Aussi, alors qu’il prônent le concept e multilatéralisme, il est connu que ces mêmes Français ont du mal à l’appliquer concrètement, et particulièrement en Afrique francophone, où l’on reste dans une posture « extrêmement unilatérale. Et donc ce premier changement de positionnement mental est absolument essentiel », souligne Bruno Fuchs.
Abordant la question des visas, source de bien des déceptions et amertumes côté africain, Bruno Fuchs a témoigné qu’au Cameroun, où il se trouvait donc encore la veille de la conférence, la situation s’améliore. Aujourd’hui, les délais sont de quinze jours pour obtenir un rendez-vous, contre trois mois naguère encore.
Mais si l’opérationnel commence à s’améliorer (c’est aussi le cas au Maroc, selon l’ambassadeur français Christophe Lecourtier, ndlr) la réflexion conceptuelle reste à engager : quelle relation d’attractivité et de partenariat veut-on entre les pays africains et la France ? Faut-il que la gestion des visas, aujourd’hui opérée par la ministère de l’Intérieur et son optique de contrôle migratoire, soit à nouveau dévolue au ministère des Affaires étrangères, dont l’approche serait naturellement plus souplement… diplomatique ? relève le Député du Haut-Rhin.
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Bases militaires et FCFA : vers
l’extinction des polémiques
Bases militaires et FCFA : vers
l’extinction des polémiques
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Poursuivant son tour d’horizon des items en débat régissant la relation entre la France et l’Afrique, Bruno Fuchs a évoqué la question des bases militaires : « La France va progressivement et assez vite transformer ce qui reste encore de ses assises en des académies de formation et d’accompagnement, mais très peu en forces opérationnelles. Donc cette question elle aussi « irritante » va s’estomper, jusqu’à ne plus n’exister. »
Idem pour la question de la disparition programmée du FCFA : « Elle est encore très forte dans les médias, mais c’est maintenant aux institutions africaines de s’emparer de ce que la France et la Cédéao ont commencé à initier. Déjà la France, par anticipation, ne siège plus au conseil d’administration ni ne prend part à la gouvernance du FCFA. Cette question polémique aussi devrait disparaître, mécaniquement. »
Mais une fois ces « irritants » évacués, quelles seront les perspectives d’avenir ? Pour Bruno Fuchs, « si l’on ne veut pas perdre une partie importante de la qualité de nos relations avec le continent, c’est forcément vers l’économie qu’il faut se tourner. Une relation économique beaucoup plus forte qu’aujourd’hui.
Mais, quelle que soit la qualité des acteurs et leur ambition, massivement en tout cas, on n’est pas pour l’instant au rendez-vous. C’est que la question de la relation politique reste essentielle.
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Les seuls à proposer
un modèle de société…
Les seuls à proposer
un modèle de société…
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Je vois donc plusieurs niveaux de possibilités. A minima, il faut redéfinir une offre stratégique très forte. Quelle est la proposition de la France vis-à-vis de des pays avec lesquels on souhaite continuer d’être partenaires, avec une distance suffisante et juste au regard des positions politiques des pays concernés ?
Mais je pense qu’on peut faire mieux. Nous sommes les seuls à pouvoir proposer un modèle de société tourné vers les citoyens, les libertés publiques, la défense de la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance… Parmi les grands modèles proposés aujourd’hui notamment aux pays africains, que ce soit par les Russes, la Chine, la Turquie… je ne vois pas de modèle aussi complet et aussi exaltant. En tout cas pour les jeunes citoyens, que de se projeter dans le modèle que nous proposons.
On peut également accompagner l’Afrique dans ce que l’on sait faire de bien, c’est à dire la santé, la biodiversité, l’éducation, l’entrepreneuriat, la formation professionnelle… En réalité, si on veut le dire autrement, nous devons proposer à nos partenaires africains de les accompagner dans l’accès à leur souveraineté économique, politique et citoyenne.
Bien sûr, il faut la volonté politique et les moyens. Mais nous ne sommes pas seuls, nous avons un très grand nombre de citoyens binationaux, qui vivent entre les deux ou trois ou quatre pays différents. Et donc on a de très grandes qualités pour y arriver. »
Reste qu’aujourd’hui le chemin à refaire est immense, comme l’attestent deux simples chiffres, partagés par le Député : « Il y a 35 ans, la France comptait 10 000 coopérants civils en Afrique, et 9 000 coopérants militaires. Aujourd’hui, il n’y a plus de 340 coopérants militaires, et environ 600 coopérants civils. Certes, Expertise France prend partiellement le relais, mais on voit bien que notre présence sur le terrain est bien moindre, avec moins de complicité, moins de connaissance du terrain. »
Or, conclut Bruno Fuchs, « au-delà des stratégies, nous avons besoin de présence et d’échanges sur le terrain. C’est indispensable pour opérer les concepts, pour les mettre en œuvre. C’est aussi ce qui fera la différence de nos propositions à nos partenaires africains. »
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