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A. Fayolle, VP de la BEI : « La mise en place du plan Juncker en France est un succès ! » – Que l’on pourrait dupliquer… en Tunisie ?

20 janvier 2018
 A. Fayolle, VP de la BEI : « La mise en place du plan Juncker en France est un succès ! » – Que l'on pourrait dupliquer… en Tunisie ?
Vice-Président de la Banque européenne d’investissement (BEI) chargé de la France et de l’Afrique de l’Ouest, Ambroise Fayolle a présenté ses résultats d’activité dans l’Hexagone, lors d’une conférence de presse organisée jeudi 18 janvier dans les bureaux parisiens de la BEI. Au menu : rien que des raisons de se réjouir, car avec plus de 8,6 milliards d’euros reçus en 2017, dont un tiers au titre du Plan Juncker, la France est le premier bénéficiaire européen du dispositif. Une recette dont on imagine qu’elle pourrait être dupliquée en Tunisie, notamment. Explications…

« La mise en place du plan Juncker en France est un succès », s’est félicité d’emblée Ambroise Fayolle, VP de la BEI, en ouvrant cette conférence de presse où il était accompagné de Pier Luigi Gilibert, directeur du FEI, le Fonds européen d’investissement, filiale de la BEI dédiée au financement des entreprises.

Un tiers de l’action du groupe est dédié au plan Juncker, nom d’usage de « la priorité européenne de relance de l’investissement » et l’objectif de combler le manque en capital de croissance pour les entreprises, a indiqué Ambroise Fayolle, avant de préciser le détail de l’action de la BEI : sur les 105 opérations de financement signées en 2017, 67 l’ont été au titre de la BEI, et 38 par le FEI. La répartition par secteur met quant à elle en exergue les choix stratégiques de l’Union européenne, dont la BEI est le bras armé financier : soutien au changement climatique (55 %) et à l’innovation (32 %), relance de l’investissement avec le plan Juncker (34 %).

Nouveaux clients, nouveaux secteurs,
nouveaux instruments

Ainsi, en 2017, 56 opérations ont été approuvées en France, traduisant une forte augmentation (près de 50 %) par rapport à 2016, pour un volume de 4,7 milliards d’euros. Les trois quarts de ces projets financés au titre du Plan Juncker en 2017 l’ont été avec de nouveaux clients, car « l’objectif du Groupe BEI est désormais de prendre davantage de risque dans le financement des projets grâce à la garantie européenne du Plan Juncker, dans le but de mobiliser des investissements dans l’économie réelle, notamment au travers des entreprises qui sont les principaux contributeurs en matière de création d’emplois sur les territoires », précise Ambroise Fayolle.

De nouveaux clients et de nouveaux secteurs à fort besoin d’investissement ont ainsi pu bénéficier de la nouvelle doctrine déployée par la BEI. C’est le cas de la culture, du secteur maritime, de l’industrie automobile et aéronautique, de l’agriculture, ainsi que des medtechs et des biotechs (Enterome, Cellnovo, Da Volterra, Olmix, Amoeba) qui, financées à un moment charnière de leur développement, ont toutes leurs chances de devenir les futurs champions de leurs secteurs.

Une liste déjà longue de l’élargissement des engagements de la BEI, auxquels il faut encore ajouter la contribution à la formation des jeunes – le département de la Seine-Saint-Denis et la Ville de Paris, par exemple, ont bénéficié d’un financement respectif de 240 M€ et de 250 M€ pour la modernisation de leurs collèges – ainsi que le soutien au logement social, au développement des régions et à l’emploi dans les quartiers et à la revitalisation de ceux-ci.

Cet élargissement des activités de la BEI qui, grâce au plan Juncker peut depuis 2015 intervenir directement auprès des entreprises, s’accompagne aussi de la mise en place de nouveaux instruments financiers, comme le partage de risque (risk sharing) et de titrisation synthétique, afin de répondre aux besoins d’investissement de clients des secteurs public et privé, tant dans le domaine des énergies renouvelables que pour le soutien aux PME.

Garanties et prêts additionnels :
une recette pour la Tunisie ?

Filiale du Groupe BEI totalement dédiée aux entreprises, Le Fonds européen d’investissement (FEI) participe au déploiement du Plan Juncker auprès des entreprises. Le FEI a, pour sa part, pris 17 participations dans des fonds de capital-risque (pour 570 M€) et réalisé 3 co-investissements pour 11 M€ qui, ensemble, vont représenter avec les co-investisseurs dans ces fonds presque 3,7 milliards d’euros de capitaux dirigés vers des startups, des PME et ETI.

« Nous avons aussi engagé 5 millions d’euros dans le cadre de 2 opérations de microfinance qui vont contribuer à l’octroi de microprêts pour un montant global de 58 millions d’euros, précise Pier Luigi Gilibert, et accordé 18 garanties pour un total de 900 millions d’euros, lesquels permettront à des PME de bénéficier de 2,5 milliards d’euros de nouveaux prêts », conclut le directeur du FEI.

Commentant les chiffres, plusieurs fois au cours de cette conférence de presse, le vice-président Ambroise Fayolle a mis l’accent sur l’effet multiplicateur apporté par les garanties ou prêts de la BEI. Ainsi, a-t-il précisé, « depuis le lancement du Plan Juncker en 2015, le Groupe BEI a approuvé à ce titre 111 opérations sur le territoire français pour un montant de financements de 8,7 milliards d’euros, lesquels mobiliseront 39,6 milliards d’investissements supplémentaires ».

La réussite à l’échelle européenne est tout aussi patente : à ce jour, précise Ambroise Fayolle, « la BEI a déjà mobilisé 257 milliards d’euros d’investissements, soit 82 % de l’objectif de 315 milliards d’euros attendus à juillet 2018. Capitalisant sur ce succès, le dispositif a été prolongé jusqu’en 2020, avec un nouvel objectif de 500 milliards d’euros d’investissements induits. »

Ainsi, c’est grâce aux 21 milliards d’euros de la garantie à premières pertes du plan Juncker que 315 milliards d’investissement ont pu finalement se faire, comme l’explique Ambroise Fayolle : « À la fin de 2017, le FEIS, le volet financier du Plan Juncker, a permis de mobiliser 257 milliards d’euros d’investissements, ce qui signifie qu’il est en bonne voie pour atteindre l’objectif de 315 milliards d’euros d’investissements déployés, cela grâce à une enveloppe de garantie de 21 milliards d’euros. »
Ainsi la preuve de la pertinence du dispositif n’est plus à faire, tant le coefficient multiplicateur d’investissements additionnels est important.

Chadly Ayari, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie :
« Que l’Europe garantisse nos futurs emprunts ! »

Cette gratification additionnelle, qui vient soutenir des prises d’engagements certes plus risqués qu’auparavant, mais qui se déploient toujours dans le contexte de confiance que confèrent le triple A et l’expertise de la BEI, n’est-ce pas précisément le montage qui pourrait aider la Tunisie à sortir de l’ornière, alors que, sept ans après sa révolution de janvier 2011, le pays est en proie à de graves difficultés économiques ? [Lire à ce sujet le récent article de l’économiste tunisien Radhi Meddeb : Entre fierté et amertume sept ans après sa révolution, « la Tunisie a besoin d’un choc positif »

Cette garantie qui facilite les flux entrants d’IDE, c’est en tout cas le type de contribution que l’Europe pourrait apporter à la Tunisie, nous déclarait Chedly Ayari, actuel gouverneur, depuis 2012, de la Banque centrale de Tunisie, lors d’un entretien qu’il nous avait accordé le 3 décembre 2014, dans ses bureaux à Tunis.
[Extrait de l’interview publiée à l’époque dans La Tribune Hebdo] :

Que peut faire l’Europe pour aider la Tunisie ?

Chedly Ayari - Comme je vous l’ai dit, nous n’avons pas été suffisamment appuyés durant trois ans, contrairement à ce qui nous a été promis lors du G20 de juin 2011. L’Union européenne a été largement en deçà de ce que nous espérions. Si la Tunisie devait absolument être « sauvée », cela aurait dû se traduire par plus de volontarisme de la part de l’Europe, notre premier partenaire.

Alors… quels messages d’appui l’Europe devrait-elle vous adresser ?

Chedly Ayari - Que l’on fasse preuve de plus d’engagement pour aider la Tunisie à renforcer sa position financière extérieure, à travers, par exemple, la conversion en investissement d’une partie de la dette dont l’encours, à fin 2014, s’élèverait à environ 3 150 Md DT [autour de 1,368 milliard d’euros de l’époque], soit près de 14 % de l’ensemble de la dette extérieure de l’État.
Ce serait un geste fort ! Que l’Europe nous permette de mobiliser nos besoins en ressources extérieures sur le marché financier international en garantissant nos futurs emprunts, comme l’ont déjà fait les Japonais et les Américains.
Vous savez, une prime d’assurance de garantie, cela ne coûte pas grand-chose. Et même rien, dans notre cas, car depuis soixante ans, jamais la Tunisie n’a demandé un seul jour de moratoire sur le paiement d’une dette ! »

 

L’Europe… la Tunisie l’accueille en voyage d’État les 31 janvier et 1er février prochains, en la personne du président Emmanuel Macron. Une visite dont on sait qu’elle sera essentiellement dédiée aux questions économiques. Une occasion, pour ce jeune président revendiquant une ambition pour l’Europe, de faire bouger les lignes en faveur de la Tunisie, en la faisant pourquoi pas, bénéficier des bonnes recettes jusqu’ici réservées aux seuls pays membres de l’Union, et donc d’y dupliquer – ou adapter – le dispositif du plan Juncker.

Une hypothèse d’autant plus légitime que la Tunisie fut en 1995 le premier pays nord-africain à signer un accord d’association avec l’Europe, et qu’avant que sa situation économique ne se dégrade au cours de ces dernières années, le pays paraissait largement qualifiable à intégrer l’Union, comme le démontrait le Professeur Pierre Beckouche dans sa contribution intitulée « La Tunisie pourrait être le laboratoire d’une première adhésion d’un pays arabe à l’UE ! » en date du 1er février 2011, soit dès les débuts du « tunisami » de la révolution tunisienne.

Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris
@AlfredMignot

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TEXTES RÉCENTS DE RADHI MEDDEB, SUR LA TUNISIE :

Entre fierté et amertume sept ans après sa révolution, « la Tunisie a besoin d’un choc positif » (Radhi Meddeb)

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