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Patrice Billaud

- 1er Grand Maître adjoint : « Le Grand Orient de France soutient le projet de l’UPM »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 8 février 2010 | src.leJMED.fr
- 1er Grand Maître adjoint : « Le Grand Orient de France soutient le projet de l'UPM »
Paris -

Orateur invité au colloque de l’Association pour une Fondation France-Égypte, dédié à la thématique des « Cultures et Identités en Méditerranée", qui se déroulait au Sénat mardi 19 janvier, Patrice Billaud, Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France, a exposé comment le GODF œuvre depuis déjà douze ans à la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, et pourquoi il soutient la construction de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Voici le texte intégral de son allocution.

Photo ci-dessus - Patrice Billaud, Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France, lors de son allocution au Palais du Luxembourg (siège du Sénat français, Paris), le mardi 19 janvier 2010. © leJMED.fr


Colloque au Sénat :
« Cultures et Identités en Méditerranée" - « Comment les cultures et identités autour de la Méditerranée peuvent-elles contribuer positivement au projet de l’Union pour la Méditerranée ? »
Mardi 19 janvier 2010


Allocution de Patrice BILLAUD
Premier Grand Maître Adjoint du GODF

Monsieur le Président,
Madame le Sénateur représentant Madame la Présidente du
Groupe d’Amitié France-Egypte du Sénat,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Je tiens tout d’abord, au nom du Grand Maître du Grand Orient de France Pierre Lambicchi à vous remercier pour votre aimable invitation à participer à ce colloque organisé par l’Association « Pour une Fondation France Egypte » sur un thème qui est très cher aux Francs Maçons du GODF et qui concerne le dialogue des cultures autour de la Méditerranée.

Le Grand Orient de France, plus ancienne Obédience maçonnique européenne continentale, né en 1728, comprend 50.000 membres répartis dans plus de 1200 Loges sur la face du globe et entretient des relations amicales et fraternelles avec une centaine d’Obédiences maçonniques étrangères.
C’est dire que tout ce qui touche à l’universalisme nous touche directement.

Et le thème de ce colloque nous est cher en effet parce qu’il nous semble représenter le seul avenir possible pour cette région du monde qui, à la fois, nous renvoie à nos origines culturelles et nous porte aussi vers notre destin collectif pour bâtir ensemble « une humanité meilleure et plus éclairée » comme nos Rituels nous l’enseignent.

Le Grand Orient de France a salué et appuyé le projet d’Union pour la Méditerranée depuis son origine en se félicitant des efforts de l’Egypte et de la France, au plus haut niveau, pour en faire une réalité.

A la tribune de gauche à droite : le Pr Maurice Ruben Hayon, écrivain ; Mme le Sénateur Christiane Kammermann ; le Dr Albert Tanion, Président de l’Association pour une Fonadation France-Egypte, organisatrice du colloque ; le Sous-Préfet Alain Boyer, chargé de mission "Débat sur l’identité nationale auprès du ministre Eric Besson ; Patrice Billaud, Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France. © leJMED.fr

D’abord parce que depuis une douzaine d’années, les Obédiences maçonniques libérales des pays de la Méditerranée tiennent une conférence annuelle qui les réunit chaque fois sur un thème spécifique destiné, un peu comme ce soir, à échanger et à comprendre l’autre dans le cadre d’un dialogue inter-culturel. Participent à cet échange annuel des Francs Maçonnes et des Francs Maçons d’Espagne, de France, de Grèce, d’Israël, d’Italie, du Liban, du Maroc, du Portugal et de Turquie. Nous sommes donc convaincus depuis longtemps que le dialogue inter-culturel peut contribuer positivement à la compréhension de nos différentes histoires et de nos valeurs respectives dans un esprit d’écoute et de tolérance mutuelle.

Ensuite, nous soutenons le projet d’Union pour la Méditerranée parce que nous espérons le voir déboucher sur des projets concrets.


Commençons par écouter la jeunesse…

Récemment, lors de notre conférence 2009 à Venise, à l’initiative de la Grande Loge d’Italie et du Grand Orient de France, nous nous sommes un peu appliqués à nous-mêmes cette ambition d’action concrète et nous l’avons dirigé vers la jeunesse de la Méditerranée, qui était notre thème de réflexion.

Nous avons décidé de financer des projets de bourses pour des jeunes qui s’engagent sur des projets concrets au service du dialogue des cultures et de la compréhension de l’autre dans sa dimension d’être humain.

Permettez-moi donc de parler un peu de cette jeunesse et commençons par l’écouter. Que nous dit-elle ?

Parmi les personnalités, de gauche à droite sur la photo : SE Mezri Haddad, Ambassadeur de Tunisie à l’Unesco ; Alfi Malek, Sécrétaire général de l’Association pour une Fondation France-Egypte ; André Touati, Conseiller du Grand Maître du GODF ; Mme Toy Bruck, Trésorière de l’Association pour une Fondation France-Egypte ; SAR la Princesse Fadila Farouk ; Stelio Farandjis, ancien Secrétaire général du Haut Conseil de la Francophonie © leJMED.fr

À la fin de l’année 2008, s’est réuni à Amman en Jordanie la première Réunion euro-arabe de Coordination des Organisations de jeunesse. Le but de cette réunion était de développer un cadre qui permette de promouvoir une coopération durable et permanente entre organisations non gouvernemantales de jeunesse européennes et arabes.

À cette occasion, ces jeunes ont déclaré qu’ils connaissaient des défis semblables tels que le développement durable, dans sa dimension environnementale, économique et sociale, et la réalisation des droits humains, y compris l’accès à l’éducation, à l’emploi décent, à la migration et à l’égalité des genres.

Forts de leur constat commun, ces jeunes ont voulu s’engager dans une coopération destinée à promouvoir la paix et la justice sociale, à encourager le dialogue interculturel entre les peuples, à lutter contre l’intolérance, les préjugés et les discriminations et à réduire les fossés existants entre les décideurs politiques et la jeunesse.

Ces engagements s’inscrivent dans le programme EUROMED de l’Union européenne qui est l’une des branches d’action du Processus de Barcelone et qui regroupe les 27 pays membres de l’Union européenne et 10 pays partenaires de la Méditerranée (Algérie, Autorité Palestinienne, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie) et qui favorisent le dialogue et la mobilité entre les jeunes de tous ces pays.

Et lorsque justement on écoute le message des jeunes de tous ces pays, d’un bord comme de l’autre de la Méditerranée, on entend très nettement leurs préoccupations qui, une fois de plus, nous renvoient à l’héritage universaliste de la philosophie humaniste des Lumières et de ses principes.

Sur les bords de cette Mare Nostrum, la jeunesse nous dit justement sa soif.

Une soif de liberté. Cette liberté de l’individu, du citoyen, liberté des citoyens qui ont le droit de naître et vivre dans une société politique respectueuse de leurs droits comme de leurs devoirs et soucieuse de leur devenir.

Cette valeur de liberté doit conduire à un régime politique fondé sur un État de droit qui garantisse le pluralisme des opinions politiques, les libertés publiques et en premier lieu la liberté d’expression des citoyens, mais aussi la liberté de pratiquer le cas échéant son culte religieux sans entrave, la liberté des médias, l’existence de contre-pouvoirs et de mécanismes de contrôle de l’action de la puissance publique, avec un pouvoir judiciaire indépendant du pouvoir politique.

C’est aussi au nom de la liberté, parfois chèrement conquise, que le Grand Orient de France est très attaché au devoir de mémoire. Ne jamais oublier que la liberté est toujours fragile, qu’elle a été parfois assassinée par des bourreaux dans des conditions monstrueuses avec son cortège de génocides, de massacres et de malheurs. Nous nous faisons un devoir de rappeler inlassablement aux jeunes générations ce devoir qui est de ne pas oublier les malheurs de nos aînés.

La jeunesse a aussi soif d’égalité. La Révolution française fut un combat pour la liberté mais la soif d’égalité était aussi vive. Et toutes les révolutions qui sont secoué le bassin méditerranéen, y compris bien entendu en secouant le joug des colonisateurs, ont aussi porté des idéaux d’égalité entre les individus.

Egalité dans la dignité. Egalité des hommes et des femmes en appuyant le combat de ses dernières pour l’égalité des droits, la parité en matière de salaire ou encore le droit à disposer librement de leur corps.

Egalité donc entre les citoyens en combattant toutes les formes de discrimination.

Si le Grand Orient de France récuse le communautarisme – il ne saurait y avoir de droits différents selon l’appartenance du citoyen à tel ou tel groupe social – il combat les inégalités en appelant à une meilleure répartition des richesses entres les individus dans la société et il exige les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous au sein de la société.

Comment ne pas aujourd’hui marteler ce message avec la crise financière, économique et sociale que nous voyons se développer sous nos yeux. Tant d’écarts entre riches et pauvres dans nos sociétés ! Entre le Nord et le Sud !

Certains ont en effet abusé des failles d’un système financier devenu fou en profitant au passage pour gagner des sommes vertigineuses sans aucune création de richesse pour le reste de la société.

L’effondrement de cette pyramide qui tenait plus du casino que de l’économie réelle laisse au passage des millions d’individus dans la détresse, le chômage, la misère et le désespoir. Et les jeunes sont souvent frappés de plein fouet.

La Franc-Maçonnerie est porteuse d’une éthique sociale particulière, qu’elle doit revendiquer : remettre enfin l’Homme au cœur des projets politiques et économiques, voilà l’exigence qu’elle peut porter en direction de la jeunesse et surtout envers les décideurs politiques de la Méditerranée.

La jeunesse a soif de fraternité. Du message renvoyé par la jeunesse de nos pays, nous constatons la générosité, l’enthousiasme pour œuvrer ensemble entre ces nouvelles générations afin d’améliorer l’humanité.

La conception que nous nous faisons d’une société humaniste repose inévitablement sur une solidarité forte entre les citoyens face à leur destin commun.

La Franc-Maçonnerie libérale a donc toujours appuyé tous les projets destinés à rendre la société plus généreuse et plus solidaire, notamment à l’égard de ses membres les plus fragiles.

Cette fraternité étendue à tous les membres de la communauté humaine débouche bien entendu sur le principe de tolérance qui est fondamental.


« Rassembler ce qui est épars »

Les Francs-Maçons parlent souvent de « rassembler ce qui est épars » , c’est-à-dire aussi rapprocher les différences qui, loin de nous nuire, nous enrichissent.

C’est la raison pour laquelle les Franc-Maçons sont réellement universalistes. Nos différences sont normales et légitimes mais elles ne sauraient en aucun cas justifier le rejet de l’autre, la haine et l’exclusion.

Vous nous trouverez donc toujours présents aujourd’hui dans les combats contre l’intolérance, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, le sexisme et l’homophobie.

Certains veulent rabaisser l’homme. Nous voulons au contraire l’élever vers la Lumière, c’est-à-dire vers un état de conscience qui lui permette de s’épanouir dans la société, quelles que puissent être ses convictions et orientations personnelles.

C’est encore un message que nous portons vers la jeunesse.

Une intervenante, lors du débat qui suivit les allocutions des conférenciers. © leJMED.fr

Mais nous devons aussi expliquer à cette jeunesse en proie au doute, parfois résignée, parfois désespérée, que pour mener à bien cette ambition, il y a un principe fondamental qui doit être consacré dans l’espace social : la Laïcité.

Et s’agissant de la jeunesse de la Méditerranée, la Franc-Maçonnerie doit œuvrer d’abord en faveur de l’éducation du plus grand nombre.

Si nous croyons à la démocratie comme régime de gouvernement du peuple par le peuple comme le plus respectueux de la conscience de chacun, le suffrage doit être éclairé.

Aussi l’école doit-elle être obligatoire. Et pour que tous les enfants puissent la fréquenter, riches comme pauvres, elle doit être gratuite. Enfin, pour ne pas attenter si peu que ce soit à la conscience de l’enfant, qu’il soit croyant ou non, l’école publique doit être laïque.

En effet, il ne s’agit pas de former des croyants mais des citoyens critiques pourvus des outils intellectuels qui leur permettront de perfectionner sans cesse la démocratie dans laquelle ils vivent.

La laïcité crée a priori un espace de liberté. D’un point de vue politique, son étymologie – Laos signifie « peuple » en grec, le peuple indivisible – fait de la République le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. La laïcité c’est le règne du droit commun.

La laïcité garantit en outre la liberté individuelle de conscience et d’expression dans les limites de l’ordre public ; elle suppose l’impartialité des pouvoirs publics.

Mais je veux rappeler fortement que la laïcité n’a rien d’antireligieux. Au contraire, elle permet à chaque citoyen, croyant ou non croyant, de vivre sa foi ou sa non foi dans l’intimité de sa conscience, sans interférence du pouvoir politique.
Par contre, dans la société, dans l’espace public commun à tous les citoyens, dont la neutralité religieuse est garantie par l’Etat, les Eglises doivent s’abstenir d’interférer.

C’est pourquoi, et vous le savez, nous sommes très attachés à la Loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat qui constitue un véritable pilier de la laïcité en France.

Léon Bourgeois, membre du GODF et Prix Nobel de la Paix, disait à son sujet que cette loi consacrait un principe : « Les églises libres dans l’Etat libre souverain. »

La laïcité est donc une voie de progrès et du « vivre ensemble » qui est porteuse de paix religieuse, sociale et politique dans l’intérêt du citoyen.

En définitive, l’alternative dans ce débat est de savoir si l’on veut vivre les uns « à côtés » des autres ou bien les uns « avec » les autres dans un communauté de destin.

Pour le Grand Orient de France, la deuxième branche de l’alternative nous semble plus prometteuse parce que tournée vers l’autre et non refermée sur soi-même. C’est cette laïcité là, au singulier et sans adjectif, qui nous semble la plus à même de favoriser le « vivre ensemble » de sociétés devenues avec les flux migratoires multi-culturelles.

Je vous remercie de votre attention.

Patrice BILLAUD
Premier Grand Maître Adjoint du GODF


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