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JNDA 2020 / W. Lauriano do Rego (CPA) : « La diaspora africaine sera l’avant-garde d’une meilleure relation de la France avec l’Afrique »

6 octobre 2020
JNDA 2020 / W. Lauriano do Rego (CPA) : « La diaspora africaine sera l'avant-garde d'une meilleure relation de la France avec l'Afrique »
Dans une dynamique nouvelle pour la relance d’un partenariat économique d’excellence avec l’Afrique, le coordonnateur du CPA part à la rencontre directe des entrepreneurs de la diaspora africaine, porteurs de projets. Ce tour de France inédit a démarré à Bordeaux en marge des Journées nationales des diasporas africaines (JNDA, 24-26 septembre). Entretien exclusif.

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Propos recueillis aux JNDA de Bordeaux par Alfred MIGNOT,
AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Quel est l’objectif de cette tournée du CPA qui va vous conduire à la rencontre des acteurs de la diaspora dans plusieurs régions de France ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Cette rencontre s’inscrit dans la feuille de route du CPA dont l’idée a été lancée en 2017 à Ouagadougou, où le Président de la République a clairement indiqué sa volonté de mettre la société civile et la diaspora à l’avant-garde de cette nouvelle relation que nous souhaitons renforcer entre l’Afrique et la France. Il a insisté sur l’importance d’avancer avec un tropisme économique, et plus particulièrement celui de l’entrepreneuriat et de l’innovation afin d’embarquer les jeunes dans cette dynamique.

Le Président de la République a amplifié cette volonté le 11 juillet 2019, en recevant à l’Elysée la diaspora africaine et en confiant un mandat au CPA pour lui faire des propositions concrètes sur la manière de mettre les diasporas africaines aux avant-gardes de la relation entre l’Afrique et la France.

Depuis nous avons multiplié les échanges afin d’identifier les projets susceptibles d’être portés par la diaspora, tant en France qu’en Afrique. Très concrètement, malgré les difficultés dues à pandémie de la Covid-19, nous avons suivi des porteurs de projets cherchant à répondre à des situations concrètes d’urgence sanitaire en Afrique, par exemple avec la production de masques, de gels hydro-alcooliques, de respirateurs artificiels…

Nous en avons identifié une soixantaine et avons été très surpris par la créativité des solutions proposées. Cette dynamique nous a donné l’envie, finalement, d’aller plus au contact de cette diaspora entreprenante. L’objectif est d’en savoir un peu plus sur les faits bloquants de l’entrepreneuriat, afin bien sûr de les lever.

Sait-on évaluer la contribution des diasporas à la création d’entreprise ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Chaque année, il se créait environ entre 500 000 et 600 000 entreprises en France. En 2019, il y a eu un pic autour de 800 000, c’est une forte accélération. Comment les gens de la diaspora s’inscrivent-ils dans cette dynamique ? Comme vous le savez, il n’y a pas de statistiques ethniques en France, nous en sommes donc réduits à l’approximation…

Mais nous savons par exemple que dans le cadre de la politique de la ville dans les quartiers sensibles, une majorité, de gens relèvent de la diaspora. L’appétit entrepreneurial est bien présent, mais les créations d’entreprises y sont moitié moins nombreuses qu’ailleurs, en proportion.

C’est pourquoi nous cherchons à identifier les facteurs de blocage – comme l’accès au financement par exemple, qui concerne presque tous les porteurs de projets – et voir comment nous pouvons les lever.

Wilfrid Lauriano do Rego, coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), lors de la rencontre-débat avec les entrepreneurs de la diaspora d’Aquitaine, à Bordeaux le 26 septembre 2020. © AM/AP.P

Durant cette période de pandémie de la Covid-19, avez-vous pris contact avec les entrepreneurs de la diaspora africaine qui essayaient de répondre aux problématiques d’urgence ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Nous avions une veille par laquelle les gens de la diaspora pouvaient nous contacter. Nous avons fait une campagne pour faire savoir que le CPA était à l’écoute afin de comprendre les solutions proposées par la diaspora. Et il y a eu aussi des appels à projets. Comme je vous le disais à l’instant, nous en avons identifié une soixantaine pour lesquels nous avons déployé une campagne pour leur donner de la visibilité. Nous avons aussi essayé de leur trouver des partenaires et du financement pour aller au-delà de l’aventure de la réponse à la Covid-19.

En fait, cette démarche nous a conforté dans l’idée qu’il existe une capacité de création et d’innovation dans ce secteur qui ne cherchait qu’à s’exprimer. Et la pandémie a augmenté la résilience de la société civile, et plus particulièrement incité les entrepreneurs pour à trouver des solutions.

L’intérêt de ce tour de France que nous organisons, c’est justement d’aller au plus près des acteurs du terrain pour affiner avec eux notre diagnostic sur les facteurs de blocage.

Justement, quel message voulez-vous adresser aux élus de la diaspora que vous allez rencontrer ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Concrètement, je pense qu’ils ont au moins deux ou trois objectifs. Le premier, c’est qu’ils représentent, bien entendu, la République, mais ils représentent aussi la diversité et en cela, ils s’inscrivent dans le même combat que le CPA. Et puis, comme le CPA qui fonctionne sur deux jambes – les projets en France et les projets en Afrique –, ces engagés constituent la passerelle avec l’Afrique. À travers la coopération décentralisée, ils se situent, eux aussi, au cœur de cette dynamique.

Selon vous, quelles sont les attentes des élus de la diaspora vis-à-vis du CPA ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Je pense que nous sommes à peu près engagés dans un même combat, car les élus sont au contact des gens que nous cherchons à rencontrer. Et c’est, exactement ce que nous sommes venus chercher à Bordeaux… Pourquoi sommes-nous dans la ville de Montaigne ? Parce qu’il y a ici Pierre de Gaetan Njikam, fondateur des JNDA, qui est un élu territorial engagé et qui nous ouvre une porte d’entrée sur la diaspora de l’Aquitaine. Cela nous facilite bien les contacts.

Dans ce processus de valorisation de l’entrepreneuriat de la diaspora, quelle est selon vous la valeur ajoutée espérée de la coopération entre le CPA et le ministère de l’Égalité entre les hommes et les femmes, de la diversité et de l’égalité des chances de Madame la Ministre Elisabeth Moreno ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Le CPA est un groupe d’une dizaine de personnes, toutes bénévoles qui, dans leur domaine respectif, essayent de porter et d’échanger avec la société civile d’origine africaine pour détecter les angles morts de la politique africaine du Président de la République, et donc de l’alerter. Ils sont des catalyseurs d’idées…

Souvent, en réalité, nous avançons en utilisant un mécanisme de cercles concentriques, c’est à dire que le CPA va approcher des personnes qualifiées pour porter avec nous le travail qui aboutira à une recommandation au Président de la République.

La mise en œuvre du projet doit être portée par une personne ayant des prérogatives opérationnelles. Je pense que le fait de disposer d’un ministère de l’Égalité des chances permet au Président d’opérationnaliser plus facilement les recommandations émises par le CPA.

Comment s’articule le processus des recommandations
au sein du CPA ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Ce qui est important, pour la France comme pour l’Afrique, c’est de savoir ce qui intéresse cette diaspora. Si l’on veut que les gens de la diaspora soient les bons ambassadeurs de la cause africaine, il faut déjà qu’ils se sentent bien ici en France. Et donc, quand on voit qu’un sujet devient prégnant pour la diaspora, on s’en saisit, on l’étudie, on en fait le compte-rendu et des propositions au Président de la République.

Je vous livre un exemple très concret. À la fin de 2019, il y a eu en France tout un débat, quasi incessant et parfois virulent, sur le franc CFA… Nous nous sommes saisis du sujet, avons organisé des échanges pour comprendre les attentes et les points de blocage pour faire une recommandation au Président de la République, sans rentrer forcément dans l’aspect purement technique.

C’est ainsi que se passent les choses, simplement. Et après qu’il a émis la recommandation, le CPA a accompli sa mission. C’est alors au Président de la République, avec son administration, de diligenter l’éventuelle mise en œuvre de nos recommandations.

Lors d’une conférence, Momar Nguer, le Président du comité Afrique de Medef international, a fait savoir son intérêt pour que les entreprises françaises en Afrique et en France puissent accueillir des stagiaires africains en fin de cursus pour une initiation à la vie de l’entreprise… Qu’en pensez-vous ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Oui, bien sûr, il faut que les entreprises participent à la formation professionnelle des jeunes, qu’elles acceptent aussi de jouer le jeu de la diversité de façon plus large… à l’exemple notamment d’Orange, qui vient de nommer à son comité exécutif Elisabeth Tchoungui, chargée des questions de la diversité. Et honnêtement, reconnaissons que les entreprises du secteur privé sont souvent très vertueuses. L’État devrait également augmenter la diversité dans l’espace public. Nous avons fait des recommandations en ce sens au Président de la République.

Comme vous le savez, on est en train de renégocier les accords de Cotonou, arrivés à échéance, et qui régentent les relations commerciales entre l’Europe et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique)… L’avis du CPA a-t-il été demandé ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Non. Le CPA peut s’auto-saisir de ces sujets-là pour alerter, mais il ne figure dans aucun organigramme. On ne s’est pas encore saisi de ce sujet-là parce que pour l’instant, il est encore dans une phase de débat technique ; mais s’il devient un sujet de relations internationales, là ce sera possible.

La pandémie de la Covid-19 vous a-t-elle inspiré des initiatives inédites ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Oui, sur la question du micro-crédit pour les populations fragiles… Vous savez que plus de 60 % de la population africaine vit de l’économie informelle et donc les règles de couvre-feu drastiques pénalisent ces gens travaillant dans le secteur informel. Ils n’ont pas de chômage partiel, ni de couverture maladie… C’est-à-dire que si on ne trouve pas un mécanisme pour garder à flot la liquidité de cette population-là, elle échappera peut-être à la Covid-19, mais peut mourir d’autre chose.

Donc nous CPA, agitateur d’idées, avons imaginé un système de micro-crédit digital et demandé aux banques de financer un secteur informel qui n’a jamais eu accès au financement traditionnel des banques. On a donc contacté quelques banques pour soumettre l’idée. Elles ont répondu qu’elles n’avaient pas l’habitude de financer les actifs du secteur informel et ne disposaient pas de données sur lui. Nous sommes donc allés voir les Telcos [les opérateurs de télécommunications, ndlr] pour leur demander de mettre leurs données à disposition des banques, pour connaitre le profil de ces gens-là afin de les aider à se faire financer.

Les Telcos et les banques ont précisé que le profil de risque de cette partie de la population est plus élevé que celui des clients habituels. Pour eux, il faudrait mettre au milieu un mécanisme de garantie qui absorbe le risque… et donc nous avons conçu une solution et embarqué l’AFD. Nous travaillons pour que d’une difficulté ou d’une idée émerge une solution. Une fois ce travail fait, le rôle du CPA est terminé, ce n’est pas nous qui opérons.

Vue de la salle de la rencontre-débat de Wilfrid Lauriano do Rego avec les entrepreneurs de la diaspora d’Aquitaine, à Bordeaux le 26 septembre 2020. © AM/AP.P

Que pensez-vous de l’initiative pour « l’entrepreneuriat rapide » déployée au Sénégal, et qui vise précisément à « formaliser » l’économie informelle, en proposant notamment des financements ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Le fait de leur dire apporter du financement peut en effet amener les gens de l’informel à voir l’intérêt pour eux de passer dans un circuit plus formel, traçable. Leur proposer des services, et du service public, est sans doute une bonne approche.

Quelles villes accueilleront ce tour de France du CPA à la rencontre de la diaspora ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Les dates exactes de la tournée dépendront de l’évolution des conditions sanitaires liées à la Covid-19. Mais d’ores et déjà il est prévu qu’après Bordeaux, nous nous rendrons à Marseille et Lyon… et on finira en région parisienne.

Ensuite, allez-vous aussi vous projeter en Afrique ?

Wilfrid Lauriano do Rego – En fait, l’idée de l’entrepreneuriat est de dire que nous accompagnons ceux qui sont déjà ici en France, mais également dans cette diaspora les porteurs de projets sur l’Afrique sont aussi accompagnés, bien entendu. Mais nous n’avons pas besoin d’aller en Afrique pour cela.

Votre sentiment sur la mauvaise image de marque de la France en Afrique, telle qu’elle se traduit dans les baromètres annuels Africaleads réalisés par le CIAN ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Honnêtement, je ne suis pas sûr que lorsque les gens répondent aux sondages, ils remettent les réalités dans leur contexte…

Je pense en tout cas que notre capacité à surmonter cette perception réside justement dans la valeur ajoutée des Français d’origine africaine, que le Président de la République souhaite mettre en avant. Pourquoi ne pas les embarquer beaucoup plus à fond dans cette relation là et en faire les vrais ambassadeurs ?

Comment doit-on faire pour valoriser les Français d’origine africaine qui sont, de facto, les porte-drapeaux d’une relation que l’on veut plus équilibrée, plus équitable ? La connexion entre la diaspora et l’Afrique est énorme. Il faut que cette diaspora se sente bien déjà ici parce qu’elle est déjà française et qu’elle soit complètement à l’aise pour être également l’ambassadeur de cette relation-là, puisqu’elle connait les deux facettes de cette réalité.

Question joker : un sujet qui vous tient à cœur et que vous auriez aimé aborder ?

Wilfrid Lauriano do Rego – Je relèverai la volonté très nette de l’engagement pris par le Président de la République d’avoir une relation équilibrée entre l’Afrique et la France, car notre avenir est intimement lié. Je partage cette conviction à 200% et je dis que dans cette perspective, nous avons la chance inouïe de disposer de cette diaspora et de sa vocation à être pont, une passerelle. Soyons à son écoute, donnons-lui les meilleures chances de réussite et de facto, la diaspora contribuera au développement de l’Afrique tout en étant bien en France aussi. La diaspora est un atout majeur que l’on n’utilise pas assez pour le bien commun !

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